THE HAUNTING OF HILL HOUSE (2018 - TV) de Mike Flanagan

Évaluation du dossier : 3.5/5 []

The Haunting of Hill House raconte l'histoire de cinq frères et sœurs ayant grandi dans la maison hantée la plus célèbre des États-Unis. Désormais adultes, ils se retrouvent après le suicide de leur plus jeune sœur, évènement qui les force à affronter les fantômes de leur passé. Si certains hantent leur esprit, d'autres se cachent bel et bien dans les recoins sombres de l'effrayante bâtisse.

Ayant démontré ses fortes capacités dans le genre fantastique ces dernières années, Mike Flanagan se plonge cette fois dans l'affaire Hill House, dont l'adaptation sur écran jusqu'alors invaincue, était le film de Robert Wise de 1963. Verdict.


Que l'on apprécie ou non son cinéma, on sait que Mike Flanagan connaît les rouages du genre et qu'il les respecte, tout en y apportant sa propre sensibilité. Avec The Haunting of Hill House, le cinéaste construit son scénario toujours sur le terreau de l’angoisse en s'inspirant du roman gothique éponyme de Shirley Jackson. Librement inspiré d'ailleurs, car de l'œuvre littéraire il ne retiendra pour l'essentiel que le nom des personnages, quelques répliques cultes, le thème de la hantise et bien sûr la gigantesque demeure, entité tourmentée autour de laquelle gravite cette famille traumatisée par un séjour compliqué entre ses murs. Car s'aventurer à Hill House, c'est abandonner toute logique cartésienne, c'est voyager dans l'espace et le temps, avec tout un tas d'éléments importants – ou faussement anodins – dévoilés au compte-gouttes et façon puzzle. Une attention suffisante est donc de mise pour ne pas se perdre en chemin et s'assurer de percer le mystère qui entoure la mort d'Olivia Crain, dont les dernières heures semblent contredire l'image de mère de famille aimante et épouse attentionnée que l'on pouvait s'en faire.

Alors certes, il faut encaisser les trois premiers épisodes où l'on retrouve cette lenteur et cette délicatesse – où le plaisant peu vite devenir frustrant – si caractéristiques dans la filmographie du cinéaste. Si d'autres les emploient à merveille pour mieux saisir et terrifier leur auditoire – le cas Hideo Nakata est sans doute le plus parlant avec Ring ou Dark Water –  ici le manque de punch a toujours quelque chose d'un peu inquiétant pour la suite des évènements. On a peur, mais seulement de voir le cinéaste tourner trop autour du pot, et parce qu'il peine à convaincre avec ses premiers effets d'effroi. Pour l'adaptation d'un classique de l'épouvante, ça la fout un peu mal. Néanmoins, le jeu de narration parcellaire et en flash-back pour chaque protagoniste apporte une dynamique structurante sur laquelle le spectateur peut s'appuyer en attendant les éventuelles réjouissances.

Car il serait injuste de retirer au réalisateur de Ouija : Les Origines son sens aigu de l'écriture, exploité notamment dans le mystère de la chambre rouge ou dans la métaphore de la hantise, celle de la maison et celle des personnages. La série s'attache dès lors à décrire, épisode après épisode, membre après membre, la charge obsessionnelle de ce lourd passé et son influence sur leur présent. À ce titre, c'est sans doute les épisodes 4 et 5 dédiés aux jumeaux de la famille qui hissent la feuilleton vers les sommets de l'angoisse, Flanagan n'ayant jusqu'alors que rarement réussi à pousser l'adrénomètre dans ses retranchements. Ici, les choses ont évolué, et toujours sans nous asséner des habituels jump scares, il parvient plutôt brillamment, au travers de quelques moments de pure terreur expérimentée par les personnages, – la dame au cou tordu et le géant au chapeau melon ont vraiment de quoi flanquer les miquettes – à transmettre tout le malaise engendré par ces manifestations surnaturelles.


Côté réalisation, rien à redire non plus, le cinéaste fait encore ses preuves et se dépasse, notamment en explorant les joies de la rupture spatio-temporelle et l'effet de proximité troublant entre le spectateur et les personnages lors d'un sixième épisode virtuose garni de plans-séquences étourdissants et qui justifie à lui seul le visionnage de la série. La photographie ultra soignée de Michael Fimognari, fidèle de Flanagan (Docteur Sleep, Jessie, Ouija : Les Origines) n'est pas étrangère à la réussite artistique de The Haunting of Hill House, plutôt inspiré à ce niveau, le rapprochant souvent d'une production cinéma. Enfin, le casting n'a rien à envier aux têtes d'affiche des grosses productions hollywoodiennes puisque tout le monde, sans exception, témoigne d'un véritable savoir-faire et d'une remarquable justesse. On y retrouve pêle-mêle Henry Thomas (E.T. l'extra-terrestre, Ouija : Les Origines, Jessie), Carla Gugino (Jessie, Unborn), Michiel Huisman (World War Z), Lulu Wilson (Annabelle 2 : La Création du malOuija : Les Origines), Elizabeth Reaser (Ouija : Les Origines, True Detective) ou encore Kate Siegel (Pas un bruitJessie, The Mirror).


Pour cette nouvelle collaboration entre Mike Flanagan et le géant Netflix, le choix du roman de Shirley Jackson s'avère plutôt judicieux, parce qu'il s'agit d'une œuvre majeure et inspirante, ayant généré l'indétrônable Maison du Diable – on oubliera le piètre Hantise – et ayant influencé des générations d'écrivains dont Stephen King et son fameux "redrum" recyclé à sa sauce dans Shining. Bien que d'un intérêt inégal, l'ensemble s'avère, d'une manière ou d'une autre, globalement réussi, voire carrément réjouissant lors des épisodes 4, 5 et 6. On regrette une conclusion (trop) parfaitement emballée, avec toute l'intensité dramatique que sait construire Mike Flanagan – dans ce registre on pense notamment à Ne t'endors pas ou The Mirror –  mais bien moins marquante qu'elle aurait pu l'être. Parce que d'une part, à trop flirter avec une série majeure comme Six Feet Under – le thème du deuil sous toutes ses coutures est omniprésent – les attentes vont de pair et au final, on se rapproche plutôt d'une saison d'American Horror Story. Et d'autre part, parce que la fin prévue initialement dans la chambre rouge a été abandonnée la veille du tournage par le réalisateur et semblait parfaitement convenir au ton de la série. Rien de bien grave cependant et les choix dramatiques essentiels n'en demeurent pas moins passionnants. The Haunting of Hill House est en tout cas la confirmation que Netflix a trouvé sa poule aux œufs d'or en la personne de Mike Flanagan et que cette salle de "home" cinema virtuelle, s'affranchissant des genres et du cadre spécifique du cinéma ou de la série télé, a de belles heures devant elle.
N.F.T.



EN BREF
titre original : The Haunting of Hill House
distribution : Carla Gugino, Michiel Huisman, Henry Thomas, Lulu Wilson, Elizabeth Reaser, Kate Siegel, Meredith Averill, Annabeth Gish...
pays d'origine : États-Unis
budget : N.C.
année de production : 2018
date de sortie française : 12 octobre 2018 (Netflix)
durée : 565 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 3.5/5

† EXORCISME †
▲ Récit passionnant
▲ Réalisation inspirée
▲ Les épisodes 4, 5 et 6

 - DÉMYSTIFICATION -
▼Généralement peu flippant
▼ Lent
▼ Bavard

LE FLIP
Le géant au chapeau melon et la dame au cou tordu.

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