[Critique] LA MAISON DU DIABLE (1963/1964) de Robert Wise

ADRÉNOMÈTRE  ♡ 
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Le Dr Markway effectue des recherches dans le domaine de la parapsychologie. Il tente une expérience de perception extrasensorielle avec un groupe de personnes réunies à Hill House, un inquiétant manoir de Nouvelle-Angleterre réputé hanté. Assisté d'une médium, d'une femme ayant été l'objet d'une expérience surnaturelle et du futur héritier de la demeure, le docteur compte bien percer les mystères du lieu. Dès la première nuit, des bruits insolites terrorisent les hôtes.

Depuis des décennies, La Maison du Diable s'est maintenue en tête des grands classiques de l'épouvante, sans prendre une ride.
S'il s'inspire des techniques de suspense éprouvées quelques années plus tôt par le grand Hitchcock, notamment dans Psychose (1960), tout en empruntant le thème de La nuit de tous les Mystères (1959) de William Castle et la suggestion savamment exploitée des Innocents (1961) de Jack Clayton, La Maison du Diable cristallise le meilleur de ses prédécesseurs et impose un modèle mainte fois repris, au point de faire entrer définitivement le film de maison hantée dans le cercle des sous-genres du fantastique.



La grande force du film, et même si le résultat peut sembler aujourd'hui moins percutant au regard de l'évolution des mécaniques de la peur au cinéma, est le travail minutieux de Robert Wise pour créer un climat d'angoisse puissant. Pour arriver à ses fins, le réalisateur du Mystère Andromède et Star Trek ne lésine pas sur les moyens. Dès l'introduction, sous forme de flashbacks, la narration est illustrée d'images volontairement déformées, de gros plans appuyés, de cadres imprécis aux perspectives dérangeantes, de mouvements de caméra virevoltant voire plongeant, instaurant un sentiment de malaise, quasi tétanisant, en quelques minutes. La bande son développe de son côté une partition expressive, donnant parfois l'impression que son orchestre est devenu aussi fou que la maison et les personnages qui y évoluent. Par la suite, la bande sonore est souvent l'unique élément utilisé pour exprimer une éventuelle présence surnaturelle : des coups aux murs, aux portes et des pleurs d'enfants en pleine nuit apportent leur lot de flip, mais les silences pesants sont également mis à contribution, entretenant parfois une bien plus grande tension que n'importe quel autre son.

Cette adaptation du roman gothique de Shirley Jackson, The Haunting of Hill House, se concentre principalement sur le personnage d'Eleanor, auquel le spectateur est instantanément associé. Comme piégé dans sa tête, il entend ses pensées et partage ses névroses. On prend peu à peu conscience de l'ampleur du trauma de cette jeune femme abîmée par une vie cernée par la maladie et la mort, à la recherche de sa place dans une hypothétique nouvelle vie. Abusée par sa propre famille, elle finit par se construire une fragile carapace et se raccroche à la première occasion à la perspective d'une vie meilleure, dégagée de ses chaînes. Une libération que seule l'invitation du docteur Markway, et plus tard la demeure, du moins croit-elle, semblent en mesure de lui offrir, enfin. La bâtisse à la construction parfois labyrinthique finit alors par être présentée comme l'alter ego de la psyché d'Eleanor, dont les pensées torturées sont autant de couloirs sombres qui la conduisent à sa perte.


Étrangement, un humour froid et parfaitement distillé vient constamment contrebalancer la gravité apparente de la situation. On retient notamment le personnage de la bonne, qui ne fait que répéter inlassablement la même formule pour prévenir les invités, et les spectateurs, du danger que représente la maison. Le film étonne aussi par l’ambiguïté de la relation entretenue par Eleanor et Theodora aux sous-entendus plutôt surprenants pour l'époque.

La Maison du Diable est un chef-d’œuvre, pas seulement parce qu'il est l'un des dignes représentants de l'épouvante à l'ancienne, et source d'inspiration de nombreuses oeuvres misant sur la suggestion et la psychologie de ses personnages, de Dark Water à Les Autres, de Shining à Amityville, mais également parce qu'il se nourrit d'un véritable point de vue. Sa mise en scène, réfléchie et brillante, met en exergue la patte irremplaçable d'un grand qui a côtoyé les géants, à commencer par Orson Welles pour qui Robert Wise assurera le montage de Citizen Kane en 1940. À noter que le film connaîtra un indigeste remake sous la direction de Jan de Bont, Hantise, un film à oublier, bien moins effrayant que son modèle. En même temps toucher à un chef-d’œuvre est rarement une bonne initiative, la preuve...
N.T.

EN BREF
titre original : The Haunting
pays d'origine : États-Unis
année de production : 1963
date de sortie française : 4 mars 1964
durée : 112 minutes 
budget : 1 400 000 $ 
adrénomètre  ♥♥
note globale : 5/5

† HANTISE
▲ Œuvre matricielle
▲ Mise en scène virtuose
▲ Flippant

 -  DÉMYSTIFICATION -
▼ Forte concurrence depuis
▼ Aspect vieillot pour les jeunes générations
▼ Impossibilité de lui trouver des défauts sans faire preuve de mauvaise foi

LE FLIP
Dans l’obscurité de sa chambre, Eleonor imagine un visage sur le mur, entend des pleurs d'enfants et croit serrer la main de son amie... 

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Hantise
Shining
Crimson Peak
 

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