Shining (1980) de Stanley Kubrick [Critique]

ADRÉNOMÈTRE  ♡ 
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Jack Torrance accepte un emploi de gardien d'hôtel. L'Overlook, une bâtisse gigantesque isolée et fermée l'hiver, doit accueillir sa femme et son fils Danny pendant de longs mois de solitude. Danny, qui possède un don de médium, le "Shining", est effrayé à l'idée d'habiter ce lieu, théâtre marqué par de terribles évènements passés... 

Tout commence par un générique aérien, où la nature, baignée d'une lumière du jour inhabituellement menaçante, devient mystérieuse, détournée par une bande-son angoissante et d’étranges cris qui suggèrent un quelconque rituel d'esprits malsains. Ces paysages au gigantisme exacerbé, filmés depuis les airs, évoquent une nature omnisciente et puissante. L'hôtel Overlook, là où le drame va se jouer, rivalise par sa taille avec cette nature, et tout comme elle, il est prêt à engloutir les âmes égarées.
Un décor gigantesque qui ne méritait pas moins qu'un acteur "en relief" pour crever l'écran. Et Jack Nicholson y est justement magistral, habité par ce rôle de chef de famille en quête d'un endroit calme pour écrire son nouveau roman, et qui va progressivement plonger dans une folie furieuse, jusqu'à provoquer le chaos dans son confortable cocon familial.

Shining, adapté du roman homonyme de Stephen King et mis en scène par Stanley Kubrick, est un film d'horreur qu'il faut avant tout remettre dans son contexte, 30 ans en arrière. Il est nécessaire aussi de bien saisir la puissance d'une œuvre devenue une référence incontournable et une source d'inspiration pour nombre de cinéastes et dont les images ont désormais rejoint l'inconscient collectif. Même après une unique vision, il y a des années, on n'oublie pas ces balades en tricycle dans les longs couloirs de l'hôtel aux tapisseries et à la moquette psyché, ni ces jumelles quasi siamoises qui hantent les lieux, parfois même assassinées et ensanglantées, sans oublier l'hôte de la chambre 237 lors d'une séquence totalement barge, ni la course poursuite dans un labyrinthe enneigé, reflet de l'âme égarée de Jack Torrance. Jusqu'à ce clin d’œil, volontaire ou non, à une autre œuvre marquante du réalisateur, Orange Mécanique, lors d'une scène-clé dans les toilettes de l'Overlook, principalement entretenu par l'esthétique de la scène et l'interprétation de Jack Nicholson. La discussion entre son personnage et l'ancien gardien Grady scellera le destin de la famille Torrance.

Torrance et Grady discutent famille et éducation...

Si le jeu des ellipses et l'absence d'explications peuvent rendre parfois le métrage insaisissable, les plus curieux trouveront de nombreuses réponses dans le roman horrifique de Stephen King. L'occasion aussi de pointer les différences majeures entre les deux versions, sachant qu'elle ont été sources de conflit et que le King a longtemps renié cette adaptation libre de son roman. Mais devant le résultat, on devine surtout une bataille, sinon de droits, au moins d'égo puisque l'écrivain allait admettre plus tard que le thème central de son livre, mis de côté par le réalisateur, soit l'alcool qui transforme un père en monstre, était en partie autobiographique. Toutefois, si Stephen King était mécontent en tant que romancier, il avoue trouver le film excellent en tant que spectateur. Difficile en effet qu'il en soit autrement...

La symphonie... de l'angoisse

Rentrer dans les détails, pour ce qui est de la mise en scène, est impossible ici, tant tout ce qui rentre dans le cadre, en mouvement ou non, est pensé, calculé, chronométré par un Kubrick perfectionniste, égal à lui-même, offrant une photo éblouissante, exacerbant couleurs, lumières, décors... En parfait alchimiste, il compose ainsi une redoutable symphonie de l'angoisse, épaulé par une partition musicale contemporaine, souvent perturbante, qui nous rappelle qu'avant d'être un long-métrage terrifiant, Shining est surtout un brillant film d'atmosphère.

Que l'on n'apprécie pas ce film, ou que l'on ne parviennent pas à en saisir le sens, il demeure indiscutable que ses images, ses séquences, parfois fortes, marquent durablement. Difficile de surcroît de critiquer un réalisateur qui devait crouler sous le poids de sa propre vision critique, étant un perfectionniste indécrottable, ce qui explique en partie un résultat rarement décevant. Ceux qui ont deux ou trois notions de cinéma constatent, impuissants, le travail d'un technicien hors pair, doublé d'un visionnaire unique, dont le très singulier mode opératoire a construit toute la réputation.

Souvent, les spectateurs déçus par Shining le sont par son potentiel flip, peu élevé finalement, et effectivement, le film ne vous fera pas bondir de votre siège. Mais là encore, Kubrick cultive un nouveau genre de peur, de celle qui s'infiltre insidieusement dans les esprits, pour y semer un  sentiment d'angoisse persistant, qui ne cesse de s'amplifier tout au long du film, offrant parfois même quelques pics d'adrénaline lors des scènes choc. Sans vraiment de scènes gores non plus, les amateurs de films d'horreur sont parfois déçus pas ce côté soft. Alors comment expliquer qu'un film d'horreur pas gore et un film d'épouvante qui ne vous fait pas bondir de votre siège soit autant adulé ?

Et si au final, Shining n'était pas un film d'horreur ? Ni même un film de genre d'ailleurs, mais plutôt, et tout simplement un film de " Stanley Kubrick"... Un cinéaste doué, hors norme, dont la conception du cinéma, unique, nous manque cruellement.
N.T.

En bref : 
titre original : The Shining
pays d'origine : Grande-Bretagne
année de production : 1980
budget : 19 000 000 $
date de sortie française : 16 octobre 1980
adrénomètre : ♥
note globale : 5/5

Le flip : Votre gamin debout à côté de votre lit, caresse un couteau en répétant inlassablement "redrum" d'une voix caverneuse. Subitement, sa voix devient plus aiguë, vous vous réveillez et votre mari se met à cogner à la porte... avec une hache !


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