LA NONNE (2018) de Corin Hardy [Critique]

Évaluation du dossier : 3/5 []

Quand on apprend le suicide d'une jeune nonne dans une abbaye roumaine, la stupéfaction est totale dans l'Église catholique. Le Vatican missionne aussitôt un prêtre au passé trouble et une novice pour mener l'enquête. Risquant leur vie, les deux ecclésiastiques doivent affronter une force maléfique qui bouscule leur foi et menace de détruire leur âme. Bientôt, l'abbaye est en proie à une lutte sans merci entre vivants et damnés…


Décidés à presser leur fruit jusqu'à sa dernière goutte, les producteurs de la saga Conjuring remettent le couvert, s'intéressant cette fois à l'histoire de La Nonne, nom de star du terrible démon Valak.


Après Annabelle, c'est cette fois au démon Valak, l'impie, le profanateur et marquis des serpents que nos pauvres personnages, un curé rongé par la culpabilité et une bonne sœur progressiste en devenir, ont – fort – à faire. Et c'est Corin Hardy, décidément abonné aux forêts flippantes, qui prend les rênes du projet, après avoir tapé dans l’œil des producteurs James Wan et Peter Safran avec Le SanctuaireSi James Wan, ici au rang de producteur, reste toujours en retrait de la réalisation et se contente de fournir une recette qu'il demeure jusqu'à aujourd'hui le seul à maîtriser, Gary Dauberman (Ça, Annabelle et Annabelle : La Création du mal) est quant à lui de retour au scénario, en attendant de s'emparer du poste de réalisateur sur Annabelle 3 qui devrait enfin marquer le retour du couple Warren.


Renouant avec un cinéma classique, dont la mode des remakes éloigne malheureusement les nouvelles générations, il faut bien reconnaître que La Nonne s'impose comme un très beau film d'époque. Entendez par là qu'il offrira aux nostalgiques de l'âge d'or des studios Universal ou de la Hammer, un voyage macabre jusque dans les Carpates de Dracula, des scènes ayant même été tournées à Sighisoara, ville de naissance de Vlad l'Empaleur, à l'origine du mythe du fameux Prince des ténèbres. En effet, impossible de ne pas ressentir aux travers des images toute l'intensité d'une sombre malédiction qui pèse sur une population rurale terrorisée par ses croyances. Pour cela, la réalisation de Corin Hardy, bien que classique puisqu'elle ne s'éloigne jamais des jalons posés précédemment par James Wan, parvient à distiller une imagerie gothique bluffante. Il est aidé en cela par les paysages si particuliers de la Transylvanie, où a été tournée une partie du film, mais également par les décors et la vieille pierre si authentique d'un fort et de deux châteaux médiévaux, transformés pour l'occasion en une abbaye austère et surtout glauque à souhait – quoi de plus sinistres que de longs et vieux couloirs éclairés à la bougie ? Malheureusement, c'est bien dans cette magnifique photographie, assurée par le Belge Maxime Alexandre, déjà mobilisé sur le très beau Annabelle : La Création du mal ou La colline a des yeux version Aja, que s'articulent les éléments les plus intéressants du film.


Le reste est plein de longues plages de vide, qui n'ont pour unique but que de former un conditionnement pré jump scares – prévisibles pour la majeure partie et qui donnent la désagréable impression que ces effets de foire sont la véritable star du film plutôt qu'un outil pour transcender la noirceur de l'histoire. Au cours de ce récit étirable à l'infini, on nous sert l'habituelle symbolique religieuse et démoniaque (croix renversées, sacrifices, possessions, blasphèmes, exorcismes, malédiction...), sans y apporter le moindre soupçon d'originalité, nous rappelant constamment que le maître incontesté du genre, L'Exorciste, le restera probablement encore longtemps. La raison première de ce décalage est sans doute l'approche réaliste du film de Friedkin que l'on ne retrouve pas ici, La Nonne naviguant dans un fantastique pur, se rapprochant davantage de la ghost story. D'ailleurs, au risque d'en décevoir certains, Valak n'est jamais vraiment apparu à Lorraine Warren, James Wan ayant brodé autour de la vision de la célèbre médium dans laquelle elle vit un vortex avec une forme encapuchonnée à l'intérieur. Bref, rien ne nous raccroche vraiment à la réalité, et encore moins le choix de placer l'action au début des années 50, bien que, je vous l'accorde, le Conjuring-verse s'est toujours déroulé dans le passé. Il reste toutefois la possibilité de se laisser guider dans les recoins lugubres de cette abbaye dont les phénomènes évoquent outre Le Couvent de Mike Mendez et ses spectres de nonnes déjantés, Les Griffes de la nuit et autres délires hallucinatoires visibles dans la saga Krueger.


Au niveau du casting, rien à redire, même si les acteurs doivent faire avec ce qu'ils ont. On y trouve Taissa Farmiga (Scream Girl, American Horror Storydans le rôle de sœur Irène, dont la ressemblance parfois frappante avec sa sœur aînée, Vera Farmiga – Lorraine Warren dans la saga Conjuring pour ceux du fond, près du radiateur – apporte un semblant de cohérence à l'ensemble. Demián Bichir (Alien: Covenant, Grudge) est tout à fait convaincant en prêtre exorciste, dépêché dans une abbaye roumaine par le Vatican pour en savoir plus sur l'inimaginable suicide d'une nonne. Enfin, impossible de ne pas souligner la présence assez inattendue du jeune comédien belge Jonas Bloquet (Élève Libre, Valerian et la cité des mille planètes) dans le rôle de Frenchie, un guide franco-canadien qui ne laisse pas notre future bonne sœur indifférente.

Si l'on ne peut pas dire que La Nonne sera à la hauteur des attentes trop grandes, on retiendra toutefois la beauté de sa photographie, les rares moment de flip que le réalisateur parvient à instaurer et ses affinités argentiennes et fulciennes qui lui donnent parfois des allures d'œuvre bis – attention à certaines répliques savoureusement maladroites – à gros budget. La volonté d'étoffer le Conjuring-verse a également quelque chose de fascinant, faisant se croiser d'anciennes affaires et introduisant de nouvelles, comme ici l'affaire Thériault qui aura sûrement une place de choix dans un prochain opus. Malgré ses évidents défauts et notamment un scénario qui manque cruellement d'épaisseur, on peut toutefois se laisser guider et profiter des magnifiques paysages et bâtisses roumaines qui donnent un cachet gothique plaisant à l'ensemble. Ce sera un peu léger pour beaucoup, certes, mais il faudra malheureusement faire avec...
N.F.T.


EN BREF
titre original : The Nun
distribution : Demián Bichir, Taissa Farmiga, Jonas Bloquet, Bonnie Aarons, Ingrid Bisu, Charlotte Hope, Sandra Teles, August Maturo...
 pays d'origine : États-Unis
budget : 22 000 000 $
année de production : 2018
date de sortie française : 19 septembre 2018
durée : 96 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 3/5

† EXORCISME †
▲ De superbes décors extérieurs
▲ De superbes décors intérieurs
▲ La photographie de Maxime Alexandre
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Souvent ennuyeux
▼ Parfois prévisible
▼ Manque d'épaisseur

LE FLIP
Une nonne flippante marche derrière vous dans un couloir sombre...

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