CHRISTINE (1983/1984) de John Carpenter [Critique]

.Évaluation du dossier : 4/5 []


Arnie est un adolescent timide et complexé. Un jour, il croise le chemin de Christine, une Plymouth Fury de 1957 en piteux état, et décide de l'acquérir et la retaper. Mais alors que la voiture retrouve une seconde jeunesse, Arnie commence à changer. Désormais sûr de lui, en couple avec la plus belle fille du lycée, il est obsédé par Christine. Et il semblerait que quiconque ose se mettre en travers de leur chemin en paye le prix fort…


À peine remis de l'accueil glacial de son chef-d’œuvre, The Thing, John Carpenter se voyait confier l'adaptation du roman alors encore inédit de Stephen King, Christine. Une occasion pour le réalisateur de rappeler qu'il sait aussi être efficace sans effusions gore...


Passant derrière Duel de Steven Spielberg et son camion fou ou encore la série culte La Quatrième Dimension et sa voiture dotée d'une conscience, il est cette fois question d’exploiter l'imagination fertile de Stephen King avec un récit adapté d'un roman pas encore sorti au démarrage de la production, porté sur une voiture maléfique, hantée par son ancien propriétaire. Pour John Carpenter, c'est aussi l'occasion d'adoucir un peu les formes et démontrer aux studios qu'il sait se montrer moins radical niveau horreur. Il sera donc question de revenir à un concept proche d'Halloween, avec cette fois une voiture en guise de psycho killer. Pas d'inquiétude toutefois, loin de jouer les yes man dénués de tout sens créatif et d'une vision cinématographique, on reconnaît bien la signature du maître des atmosphères angoissantes, de la mise en scène aérienne et des personnages hauts en couleur, parfaitement mis en valeur par l'objectif de sa caméra. Christine ne déroge pas à la règle. Incarnée sous les traits d'une magnifique Plymouth Fury 1957, Carpenter lui donne même la parole via la programmation de son poste de radio qui ne diffuse que des tubes rock'n'roll des années 50. La chose pourrait sembler normale si elle ne donnait pas en plus l'impression à chaque fois d'illustrer l'humeur du véhicule.


Au-delà d'une voiture dotée de sa vie propre, Christine est aussi le récit de l'éveil à la sexualité d'Arnie Cunningham, jeune lycéen aussi timide qu'il est complexé par son physique et qui va subir un véritable coup de foudre en croisant le chemin de Christine. Devenant son nouveau propriétaire pour bien plus cher que sa valeur, la voiture, d'abord dans un piteux état, aura pour effet de rendre Arnie plus sûr de lui, plus soigneux avec son apparence à mesure qu'il la retape, jusqu'à devenir progressivement antipathique, arrogant, et violent. Le réalisateur, quant à lui, multiplie les allusions amoureuses et sexuelles de manière plus ou moins symbolique, de la scène d'ouverture où la couleur rouge sang du véhicule vient contraster avec ses petites sœurs blanches au teint légèrement rosâtre, à la partie de Scrabble que raconte Arnie et durant laquelle il dit s'être vu refuser le mot "fellation" par sa mère, en passant par la présentation salace de Christine par le frère LeBay, ou l'agression au lycée alors que Buddy, le rebelle de sa classe, transperce le sac à déjeuner d'Arnie à l'aide de son cran d'arrêt, jusqu'à ce que le yaourt s'écoule de la fente. Au-delà de cela, le réalisateur s'intéresse à la question passionnelle et au sacrifice alors que les jeunes américains peuvent témoigner d'un goût excessif pour les belles mécaniques.



Forcément, comme pour toute adaptation, des éléments du roman sont mis de côté. Le plus regrettable étant la disparition de l'ancien propriétaire, Roland LeBay qui vendait la voiture à Arnie (et non son frère), avant d'intervenir sous forme de cadavre zombifié après son décès (une idée vraisemblablement abandonnée par crainte d'être accusé de plagier Le Loup-garou de Londres sorti quelques années plus tôt). De toute manière, Christine n'est pas tout à fait un film d'horreur, du moins pas dans l'acceptation gore du terme. On parlerait plutôt de thriller fantastique dont le but n'est pas de terrifier son auditoire, mais plutôt de le scotcher à son fauteuil face à l'angoissante métamorphose d'un ado et celle d'une génération qui prend le pas sur une autre, comme le rappelle le jeune Leigh en fin de métrage, lançant devant la voiture réduite à l'état de cube : "Bon sang,  je déteste le rock'n'roll"



Plutôt lent dans son déroulement, on apprécie ses quelques fulgurances et par-dessus tout, la bluffante scène d'auto-réparation, ainsi que toute une panoplie d'effets spéciaux à l'ancienne, signés Roy Arbogast (Rencontres du troisième type, Le Retour du Jedi). Rien à redire non plus de la sublime photographie de Donald Morgan qui a par le passé déjà collaboré avec Carpenter sur Le Roman d'Elvis et plus tard sur Starman. Niveau casting, Keith Gordon (Les Dents de la mer 2, Pulsions) interprète un Arnie convaincant dans son passage de timide chenille à féroce papillon. Il est entouré de John Stockwell (Les Aventuriers de la quatrième dimension, Top Gun) dans le rôle du meilleur pote tombeur et sportif, Dennis, et Alexandra Paul (Dragnet, Sharknado 4) qui incarne Leigh, la petite amie désespérée d'Arnie, jalousée par Christine. Autour d'eux gravitent de nombreuses têtes connues et seconds couteaux tels Robert Prosky (Last Action Hero, Gremlins 2), Harry Dean Stanton (Twin Peaks: The Return, Alien), Steven Tash (Ghostbusters), ou encore Roberts Blossom (La Dernière Tentation du Christ, Maman, j'ai raté l'avion).



Bien qu'il réalise là un film de commande, soucieux d'arrondir les angles après l'échec de son chef-d'œuvre The Thing, John Carpenter, indubitablement et de manière exemplaire, marque cette adaptation de sa patte si particulière et permettra au studio d’engranger 21 millions de dollars de recettes. Très curieusement, ce (modeste) succès n'engendrera pas de suite alors que le plan final (SPOILER) laisse envisager la possibilité d'un inéluctable retour (n'oublions pas que la voiture a la capacité de se régénérer) (FIN SPOILER). Une bonne chose sans doute puisque le travail bien accompli du réalisateur de Vampires n'appelle, de toute manière, aucune suite qui lui parviendrait à la cheville. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle aucun projet de remake n'a abouti. Pour le moment...
N.F.T.



EN BREF
titre original : Christine
distribution : Keith Gordon, John Stockwell, Alexandra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stanton...
pays d'origine : États-Unis
budget : 9 700 000 $
année de production : 1983
date de sortie française : 25 janvier 1984 - 18 septembre 2019 (Coffret ultra collector BD4K+BD+DVD+livre 200 pages chez Carlotta Films)
durée : 110 minutes
adrénomètre : ♠
note globale : 4/5


 † EXORCISME †
▲ Bande-son
▲ Réalisation inspirée
▲ Effets spéciaux

 - DÉMYSTIFICATION -
▼ Pas effrayant
▼ Des parties majeures du livre supprimées
▼ Sentiment qu'il manque un petit quelque chose





LE FLIP
Christine cachée dans l'obscurité démarre en trombe pour se jeter sur sa cible.

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