L'INTERNAT (2019 - DTV) de Boaz Yakin [Critique]

Évaluation du dossier : 4/5 []

Il était une fois un garçon de 12 ans, Jacob, hanté par le souvenir d’une grand-mère qu’il n’a pas connue. Sa mère et son beau-père l’envoient se faire soigner dans une école spécialisée où le très pieux directeur fait aussi office d'unique professeur. Il leur  promet une purification prochaine...

Première réalisation horrifique de Boaz Yakin, L'Internat décrit avec force et sensibilité les affres de la parfois difficile quête de soi...


Si, à première vue, L'Internat peut évoquer des pépites telles Le PensionnatL'Échine du diable, il s'affranchit en réalité de leur fantastique frontal pour proposer quelque chose de fondamentalement plus terre à terre, où se côtoient introspection et horreur. Une approche clairement psychologique à rapprocher davantage des Innocents ou de La Maison du diable que des œuvres susmentionnées, donc. Le thème des troubles de l'enfance et sa perception extérieure est ici abordé sans artifices. Bien que rendue fragile par ses handicaps, elle est paradoxalement jugée inopportune, déviante voire complètement absconse et source d'angoisse pour les adultes, parents compris. Il faut dire que cette école particulière accueille un glouton autiste, un garçon défiguré par un incendie, une sociopathe, un jeune homme atteint du syndrome de Gilles de la Tourette... soit une belle brochette de freaks que Jacob doit apprendre à connaître et à apprivoiser. C'est son beau-père qui l'a jeté là, dépassé par les terreurs nocturnes du garçon qu'il a aussi surpris à danser seul, maquillé et vêtu de la robe de sa grand-mère. Cette entrée en matière, inattendue et rare, place d'emblée L'Internat au rang d'œuvre singulière qui veut se démarquer du tout-venant horrifique. Ce qu'il parvient à faire, sans peine.


Bien qu'il s'agisse de sa première réalisation horrifique, Boaz Yakin s'est intéressé à tous les genres lors de sa déjà longue carrière, depuis le très recommandable drame Fresh, jusque dans son travail de scénariste, de Punisher à La Relève, en passant par Insaisissable ou Prince of Persia. Il ne fait aucun doute que ce parcours éclectique n'est pas étranger à la densité de son propos et fait de L'Internat une œuvre riche et complexe sur la quête d'identité et l'héritage familial. Et lorsque le directeur cite la bible en envoyant ses pensionnaires "au contact de la nature pour redevenir purs", il ne croit pas si bien dire. Cette ironie se trouve aussi derrière la notion de handicap où une extrême difformité peut abriter une humanité authentique alors qu’une apparence innocente peut cacher un monstre.

Même si les moments de frayeur sont rares, plusieurs séquences d'horreur viennent en revanche ponctuer une atmosphère en suspens, où le pire semble toujours prêt à attraper le spectateur par surprise. Mais L'Internat s'affirme surtout comme un drame psychologique touchant qui peut évoquer parfois Vol au-dessus d'un nid de coucou ou encore Mask avec son personnage défiguré à l'intégration difficile. Le rôle principal, le mystérieux Jacob, androgyne, sous l'influence d'un héritage parental dont il n'avait pas connaissance et d'une lourde histoire familiale qui semble néanmoins le hanter, est interprété avec précision par un Luke Prael étonnant, tout en ambiguïté. Face à lui, Sterling Jerins (World War Z, Conjuring : Les Dossiers Warren) lui donne la réplique dans le rôle de l'inquiétante Christine, une personnalité ambigüe qui va fragiliser encore plus sa conception du bien et du mal. Ce qui ne sera pas sans conséquences sur sa relation avec le mystérieux Dr Sherman, interprété par Will Patton (Halloween, Phénomènes paranormaux) parfait dans ce rôle de professeur prosélyte.


L'Internat est une œuvre plus profonde qu'on ne pourrait le penser, sur les laissés-pour-compte, les marginalisés, ceux qui ne rentrent pas dans un moule, mais aussi sur les peurs à affronter pour pouvoir s'accomplir. Révélant son potentiel horrifique surtout en deuxième partie de métrage, il baigne également dans une certaine noirceur onirique qui lui confère une saveur toute particulière, inattendue. Il est également essentiel de souligner la réalisation inspirée de Boaz Yakin et la photographie soignée de Mike Simpson, avec ses couleurs vives chères au cinéma de Mario Bava, qui est d'ailleurs cité au détour d'un extrait du terrifiant segment La Goutte, issu du très recommandable Les Trois Visages de la peur. Rien que pour cela, il serait dommage de passer à côté.
N.F.T.


EN BREF

titre original : Boarding School
distribution : Samantha Mathis, Will Patton, Luke Prael, Sterling Jerins, David Aaron Baker, Lucy Walters...
pays d'origine : États-Unis
budget : N.C.
année de production : 2018
date de sortie française : 20 janvier 2019 (VOD/BD/DVD Metropolitan)
durée : 111 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5


† EXORCISME †

▲ Réalisation soignée
▲ Histoire originale
▲ Superbe photographie

 - DÉMYSTIFICATION -

▼ Un poil hermétique
▼ Bande originale pas toujours inspirée
▼ Pas assez horrifique

LE FLIP

Une rencontre nocturne cauchemardesque dans la maison.

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L'Échine du diable
Le Pensionnat
Les Trois visages de la peur


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