[Critique] LES INNOCENTS (1961/1962) de Jack Clayton

Évaluation du dossier : 5/5 [♥♥]

En Angleterre, à la fin du XIXe siècle, Miss Giddens, une jeune institutrice, est engagée comme gouvernante pour éduquer deux orphelins Flora et Miles, dans le vieux manoir de Bly. Charmants dans un premier temps, elle découvre que ces derniers sont tourmentés par les fantômes de deux employés décédés quelque temps auparavant...

S'il est des chefs-d’œuvre qui ont durablement marqué le septième art, Les Innocents en fait indubitablement partie. Figurant aujourd'hui parmi les films les plus analysés, cette adaptation de la nouvelle Le Tour d'écrou de Henry James n'a rien perdu de sa force mystérieuse et vénéneuse.

Bien que son âge le ferait plutôt pencher du côté des classiques ayant perdu de leur puissance horrifique avec le temps, Les Innocents est au contraire une véritable pépite intemporelle qui, aujourd'hui, flanque toujours autant les pétoches. Ce n'est pas moins à cause de son contexte psychologique perturbé semant le doute sur la santé mentale de la gouvernante interprétée par une Deborah Kerr habitée ou sur "l'innocence" réelle des enfants, que par les techniques mises en place pour nourrir cette ambivalence.


L'une d'elle consiste à happer instantanément le spectateur alors que le métrage s'ouvre sur un chant funèbre sous forme de berceuse, une mélodie envoûtante mélancolique interprétée par Isla Cameron jouée devant un écran noir. Le même écran noir utilisé par Stanley Kubrick 7 ans plus tard pour illustrer le néant duquel jaillira l'univers dans 2001 l'Odyssée de l'espace. Ici on pourrait croire qu'il est utilisé dans un but inverse : non pas pour montrer la naissance de quelque chose, mais plutôt la fin d'un tourment que le réalisateur nous expose lors d'un vaste flash-back.  

Il nous dévoile Miss Giddens, vieille fille prude, dont le vernis de la droiture apparente finit par craqueler face aux attentions toutes particulières que lui accorde le jeune Miles, la plongeant toujours un plus dans l'irrationnel alors qu'elle suspecte l'influence néfaste des fantômes de Mademoiselle Jessell et Peter Quint sur les enfants. Mais bien que disséminant des indices dans sa mise en scène, Jack Clayton ne répond jamais frontalement à cette question, préférant laisser le spectateur baigner dans une atmosphère dérangeante et flippante.


Le style et la technique en œuvre, dont le soin apporté au cadre, à la composition des images et à la photographie, participent à la construction d'un climat de plus en plus pesant alors que Miss Giddens perd pied dans cette vaste demeure dans laquelle rôdent des fantômes influents aux mœurs libertines. Cette construction psychologique combinée à la suggestion finit par générer un sentiment de malaise, voire de peur, qui inspirera les plus grands films du genre. Les Autres de Alejandro Amenábar est l'un d'eux, puisqu'il en reprendra l'environnement gothique, la bâtisse gigantesque et même le nom donné aux fantômes puisque la gouvernante évoque un moment "Les Autres" pour qualifier les anciens employés.

Considéré, à raison, comme l'un des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma fantastique, Les Innocents mérite amplement son statut de classique. Adapté à l'écran par William Archibald et Truman Capote, réalisé par Jack Clayton (La Foire des ténèbres) et mis en image par Freddie Francis (Elephant Man), il s'impose comme une œuvre complexe, riche et fascinante. Son atmosphère parfaitement maitrisée rend la moindre apparition flippante et son esthétique soignée et poétique est telle qu'elle révolutionnera durablement les codes de l'épouvante au cinéma.
N.F.T.



EN BREF
titre original : The Innocents
pays d'origine : États-Unis / Royaume-Uni
année de production : 1961
date de sortie française : 18 mai 1962 - 4 mai 2016 (Blu-ray - Potemkine)
durée : 100 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 5/5

† EXORCISME
▲ Photographie
▲ Angoissant
▲ Casting

- DÉMYSTIFICATION -
Ambiguë
Qualité d'image inférieure au Blu-ray américain de 2014
Fin abrupte

LE FLIP
L'apparition d'une femme dans le jardin.

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