L'ÉCHINE DU DIABLE (2001/2002) de Guillermo del Toro [Critique]

Évaluation du dossier : 5/5 []


Durant la guerre civile espagnole, Carlos, un garçon de douze ans dont le père est décédé, débarque à Santa Lucia, un établissement catholique pour orphelins. Il est remis aux bons soins de Carmen, la directrice, et du professeur Casares. Mais il doit faire face à l'hostilité de ses camarades et de Jacinto, l'homme à tout faire. Par ailleurs, il découvre bientôt que le lieu dissimule deux secrets derrière ses murs : l'or de la cause républicaine, et un fantôme. Carlos aperçoit dès la première nuit cet esprit errant et malgré sa peur s'efforce de communiquer avec lui. Il découvre très vite que ce spectre est celui de Santi, un ancien pensionnaire de Santa Lucia, disparu dans de mystérieuses circonstances...

Gérardmer 2002 : soufflé par un Fausto 5.0 et sa proposition cinématographique vertigineusement en deçà, le grand prix du festival aurait dû revenir à L'Échine du diable. 20 ans après, si le premier a pris un méchant coup de vieux, le long-métrage de Guillermo del Toro, lui, n'a rien perdu de sa force, bien au contraire.

Même s'il remportera tout de même trois récompenses dont un Prix du Jury, on reste toujours circonspect, 20 après, face à ce manque de goût, à la limite du pardonnable... Car aujourd'hui, la copie qui bénéficie d'une nouvelle restauration 2K éditée par Carlotta, notamment dans un somptueux coffret ultra collector, démontre plus que jamais que L'Échine du diable est une œuvre parfaite, hantée par les fantômes de la guerre civile espagnole ici en passe de s'achever. Véritable leçon de cinéma, tant par sa réalisation à la précision chirurgicale que pour son récit riche en métaphores, ce véritable film d'auteur condense les talents techniques de Guillermo del Toro, la richesse de sa culture cinématographique et historique et une volonté de dénoncer les horreurs d'un pan de l'Histoire espagnole, qui résonnera quelques années plus tard avec Le Labyrinthe de Pan, cette fois dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et du franquisme.


S'il apparaît de prime abord comme un conte fantastique intimiste (on est plus proche du Labyrinthe de Pan que de Blade 2), L’Échine du diable parvient à mixer les genres avec brio. Dans un contexte de guerre, le cinéaste navigue entre film politique, drame psychologique, épouvante, horreur, tragédie, revenge movie... Les plus cinéphiles sont ainsi comme à la maison et se nourrissent, en même temps que le métrage, des références auxquelles l'auteur fait appel pour raconter son histoire. Si certains s'amuseront ici d'un lien avec le Suspiria d'Argento ou là, d'un petit air des Révoltés de l'An 2000 de Serrador, c'est surtout au cinéma de Mario Bava qu'un hommage est rendu. Empruntant une esthétique gothique proche du maestro italien pour les intérieurs et du western pour les extérieurs, on demeure admiratifs face à un travail minutieux sur les lumières et les ombres (et plus généralement sur les reflets), les couleurs et ces mouvements de caméra vaporeux, évoquant des déplacements fantomatiques dans chaque recoin de l'image.


Mais il serait presque réducteur de résumer ainsi le travail de mise en scène. En effet, L'Échine du diable est tellement brillant que plusieurs visionnages sont nécessaires pour en saisir tout le génie visuel. Car si en surface, le métrage présente une allégorie sur la guerre, la folie qu'elle engendre et les traces qu'elle laisse dans ses sillons, symbolisés par le fantôme de Santi, il est aussi question pour l'auteur de modifier la vision basique que l'on se fait du fantôme. En gros, ici, fini les draps ambulants puisque les vivants, marqués à vie par des drames, prisonniers de leur passé, sont aussi traités comme des fantômes.


Malgré un côté cérébral que l'on choisit ou non d'explorer, cette petite pépite cinéphilique de Guillermo del Toro ne souffre d'aucun temps mort et ce, même si certains critiqueront le peu de montées d'adrénaline et une impression de linéarité – pour celui qui ne veut pas regarder au-delà de ce qu'il voit. Car sa particularité se situe justement ici : plus qu'un film d'horreur répondant au cahier des charges d'un genre bien précis, L’Échine du diable se voit d'abord comme un vrai film d'auteur, cérébral mais accessible, sensible, de ceux qui ont quelque chose à dire et à montrer. Il se murmure d'ailleurs que Del Toro aurait écrit le premier jet alors qu'il était encore collégien. Si ce n'est pas de la vocation...
N.F.T.


EN BREF
titre original : El Espinazo del Diablo
titre alternatif : The Devil's Backbone
réalisation : Guillermo del Toro
scénario : Guillermo del Toro, Antonio Trashorras, David Muñoz
distribution : Marisa Paredes, Eduardo Noriega, Federico Luppi, Fernando Tielve, Íñigo Garcés, Irene Visedo, Junio Valverde...
photographie : Guillermo Navarro
musique : Javier Navarrete
pays d'origine : Espagne / Mexique
budget : 4 500 000 $
année de production : 2001
date de sortie française : 8 mai 2002 - 24 novembre 2021 (Blu-ray DVD et coffret ultra collector - Carlotta)
durée : 105 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 5/5

† EXORCISME † 
▲ Photographie
▲ Réalisation
▲ Casting

- DÉMYSTIFICATION - 
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LE FLIP
Caché dans un placard à linge, Carlos est poursuivi par Santi...

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