[Critique] STRANGER THINGS (2016 - VOD) de Matt et Ross Duffer

Évaluation du dossier : 4.5/5 [♥]

À Hawkins, en 1983 dans l'Indiana. Lorsque Will Byers disparaît de son domicile, ses amis se lancent dans une recherche semée d’embûches pour le retrouver. Au même moment, ils recueillent une étrange jeune fille en fuite. Les garçons se lient d'amitié avec cette enfant au crâne rasé et tatouée du chiffre "11" sur le poignet. Elle est peut-être la clé de tous les mystères cachés dans cette petite ville tranquille. En apparence...


Sortie événement cet é sur Netflix, Stranger Things remporte une quasi-unanimité auprès du public qui, comme votre serviteur, a été biberonné aux productions Amblin et à Stephen King. Un matériau précieux dans lequel puisent les frères Duffer afin de créer un univers étrangement proche et familier, mais qui leur est aussi suffisamment propre pour nous plonger tête la première dans l'inconnu.

Et ça commence dès le pré-générique et sa partie de Donjons et Dragons enflammée, suivie de l'attaque de l'un des mioches, façon croque-mitaine. Suit un générique au lettrage progressif rouge flashy et imposant, accompagné d'une bande-son électro entêtante qui pourrait tout aussi bien être un titre de Daft Punk (période Tron Legacy) ou le score remasterisé d'un jeu vidéo des eighties. Le rythme faussement paresseux est là, déjà perceptible, et il ne faiblira pas de toute la série. L'excellente idée est de calibrer le tout sur huit épisodes de 50 minutes, ce qui a l'avantage de laisser peu de place à l'ennui, chaque segment apportant son lot de rebondissements.


Comme on l'a lu et entendu à peu près partout, les influences évidente et assumée à la pop culture des années 80 rappelle fatalement des œuvres marquantes de cette époque : Stand By Me et son parcours initiatique, E.T., l'extra-terrestre et son complot gouvernemental, Les Goonies, Explorers et même Alien ou Carrie... Cependant, contrairement à Super 8 qui enfilait comme des perles les références et les hommages à Amblin en prenant bien garde de respecter religieusement l'esprit des œuvres concernées, Stranger Things se réapproprie ces "gimmicks" cinématographiques pour mieux les déformer, les adapter et échafauder son propre univers.

Ainsi, certes, on retrouve la scène de la fuite à vélo qui, comme dans E.T. l'extra-terrestre, va nécessiter de traverser un barrage de flics. Ne vous attendez pas à voir les enfants décoller du sol pour survoler le barrage. Le choix scénaristique ici à découvrir sur Neftlix est tout autre et évoque désormais, plutôt qu'une jeunesse en rébellion, un asservissement du système. De la même manière, le lien d'amitié qui vient rompre la solitude du petit Eliott dans E.T. l'extra-terrestre est désormais tout autre, plus mature. Tout comme la cohésion de la bande des rebelles en crise d'ado (celle d'Ace Merrill dans Stand by Me ou d'Henry Bowers dans Ça) est fragilisée et remise en cause par certains de leurs actes. Un point de vue intéressant sur l'évolution comportementale d'une jeunesse insaisissable, en constante mutation.


Toutefois, loin de se prendre trop au sérieux, le second degré est de mise ici. On retrouve ce qui faisait le charme des films de notre enfance : la vanne facile, pas toujours subtile, mais toujours prête à jaillir d'une réplique. D'ailleurs on s'amuse de constater que les enfants traqués nomment naïvement leurs ennemis "les méchants", à défaut de les connaître réellement. À noter aussi une évidente influence de Donjons et Dragons alors en plein essor puisque le monstre de la série est le Démogorgon, l'un des "méchants" les plus emblématiques de ce jeu de rôle qui semble avoir pas mal inspiré les Duffer Brothers.

Au-delà de ces clins d’œil, il serait injuste de cantonner Stranger Things au statut de simple best of de films de mioches. On y trouve aussi des références plus récentes, la plus prégnante étant Silent Hill, notamment lors des phases de recherche mais aussi pour son monstre et son monde parallèle combinés à une bande son à l'atmosphère froide et mystérieuse. Cette dernière (qui louche ouvertement vers le John Carpenter compositeur) évoque aussi, au même titre que ses lents travellings récurrents, It Follows.


Cette création Netflix, dotée d'une structure narrative originale, prend sa propre direction. En effet, là où, souvent, ces films s’adressaient aux jeunes spectateurs, adoptant leur seul point de vue et leurs codes, ici, on retrouve trois intrigues qui s'imbriquent et s'adressent aux trois publics visés par la série : les préados, les ados et les adultes, avec pour chacun les préoccupations et les sous-intrigues qui leur sont propres.

Niveau casting, c'est du sur-mesure. Mention spéciale à Winona Rider (Beetlejuice, Black Swan) exceptionnelle et touchante dans le rôle d'une mère à la recherche de son fils perdu, épaulée par David Harbour (La Guerre des Mondes) dans le rôle du shérif perçant à jour un complot gouvernemental. Mais on retiendra surtout, parmi les plus jeunes, l'interprétation de Millie Bobby Brown, issue de séries telles Intruders ou Modern Family et dont le jeu crève littéralement l'écran et laisse présager une brillante carrière devant les caméras, un peu à l'image des acteurs de l'époque, Sean Austin (Les Goonies, Le Seigneur des anneaux), Drew Barrymore (E.T. l'extra-terrestre, Charlie et ses drôles de dames, Donnie Darko) ou même feu River Phoenix (Stand By Me, My Own Private Idaho).


Alors, rencontre entre le King et Silent Hill ? Ou entre Spielberg et Alien ? Les combinaisons sont nombreuses tant les références qui ont nourri la cinéphilie des créateurs de la série – leur métrage préféré est Les Dents de la mer – et de beaucoup d'entre nous, sont légion. Pour un résultat au final plutôt enivrant et fun aux frontières de la nostalgie et ce, malgré un jeu d'équilibriste dangereux entre l'hommage et le manque d'inspiration. Les frères Duffer sculptent leur matériau d'origine sans tomber dans la mièvrerie ni se contenter d'en constituer une vulgaire copie. C'est ce qui fait la différence. Enfin, sa conclusion, touchante et audacieuse et comme toute série qui se respecte, ne donne qu'une envie : découvrir la saison 2.
N.F.T.


EN BREF
titre original : Stranger Things
pays d'origine : États-Unis
année de production : 2016
date de sortie française : 15 juillet 2016 (VOD - Netflix)
durée : 440 minutes
Budget : 6 000 000 $ par épisode
adrénomètre : ♥
note globale : 4.5/5

† EXORCISME
▲ Casting
▲ Atmosphère
▲ Réalisation

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Beaucoup de poncifs
▼ Saison de huit épisodes
▼ Frontière ténue entre hommage et manque d'originalité

LE FLIP 
Le monstre du monde à l'envers.

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