[Critique] REGRESSION (2015) de Alejandro Amenábar

Évaluation du dossier : 3/5 [♥♥]

Minnesota, 1990. L'inspecteur Bruce Kenner enquête sur des abus sexuels impliquant la jeune Angela et son père, John Gray. Lorsque John finit par avouer sa culpabilité, il semblerait qu'il n'ait toutefois gardé aucun souvenir des faits. Le docteur Raines, un célèbre psychologue, est appelé à la rescousse. Il va devoir aider John à retrouver la mémoire. Ce qu'ils vont découvrir cache un terrifiant mystère qui pourrait concerner le pays tout entier...

Dire que les fans du genre attendaient son retour est un pléonasme. Avec Régression Alejandro Amenábar revient taquiner l'adrénomètre, après s'être essayé à d'autres genres (Mar Adentro et Agora), et livre un thriller d'épouvante envoûtant, avec pour base de départ une sombre histoire de secte satanique traquée par un flic en pleine crise de foi.
Si la réalisation soignée prouve que le petit prodige espagnol n'a rien perdu de sa superbe, quelques maladresses viennent désamorcer les qualités de cette nouvelle livraison.

Il est indéniable qu'Alejandro Amenábar aura marqué le genre qui nous intéresse au moins trois fois par le passé. Avec son semi found footage Tesis, inspiré des fantasmes autour de la production de snuff movies, Ouvre les Yeux, œuvre barrée et maîtrisée imposant un cinéaste adroit dans l'art de la manipulation de son public et enfin Les Autres, apothéose formelle au récit parfaitement huilé marquant d'une pierre blanche le cinéma d'épouvante et s'imposant comme un classique instantané. 


Donc oui, le savoir-faire d'Amenábar en terme de mise en scène crève l'écran dans Régression, nous gratifiant notamment d'une photographie magnifique. Le choix de teintes froides, habile, amplifie une impression cafardeuse tenace et où les personnages n'ont pour seul environnement que la morosité poisseuse et ambiante de leur petite ville.

Mais à côté de cela, on n'échappe pas à certains clichés, des erreurs mineures mais incompréhensibles venant d'un cinéaste confirmé. Parmi les pires, on peut citer l'inspecteur qui ne peut s’empêcher de vérifier le contenu du barillet de son revolver alors qu'il ne l'a pas sorti une seule fois depuis le début du film, ou encore ce dernier regard défiant en direction l'église par un personnage que l'on sait déjà très sceptique.

Même la musique du grand Roque Baños (Evil Dead, Intruders, Fragile...) noyée sous des violons larmoyants souligne une intensité dramatique qui, combinée aux choix esthétiques, ne parvient pas à convaincre. Au contraire, la partition crée un décalage assez gênant entre les attentes que le film nourrit et la résolution de l'intrigue. Dommage, ces maladresses, sans rendre l'ensemble mauvais, handicape sérieusement l’œuvre et son discours. Ce dernier tourne essentiellement autour de ce flic agnostique qui doit faire face à la complexité de l'esprit humain dans un contexte de manipulation et de satanisme. Régression se rapproche de la structure du film d'exorcisme de base et de certains de ses aspects esthétiques mais cette fois, le mal est traqué par la science – essentiellement par la psychologie – une approche considérée pendant une longue partie du métrage comme la vraie alternative à la religion. La foi est donc au cœur de l'histoire, Amenábar s'efforçant de démontrer son influence sur la perception des choses quitte à en tirer des vérités parfois biaisées par les a priori de tout un chacun.


Côté casting, étrangement, Aaron Ashmore (The Shrine) ou David Thewlis (La Malédiction, Harry Potter) convainquent davantage dans les seconds rôles que les têtes d'affiche. En effet, Emma Watson (Harry Potter, Noé) se cantonne à un personnage excessivement pleurnichard et Ethan Hawke (Sinister, American Nightmare) n'est pas forcément plus convainquant en mode mono-expressif, campant un inspecteur au passé mystérieux auquel on peine à s'identifier.

Heureusement, côté adrénomètre, le métrage offre quelques moments de tension, notamment lorsque Kenner écoute la description des rituels sataniques. À ce moment, ceux-ci prennent forme devant ses yeux alors qu'il visite les lieux où ils se seraient déroulés. À noter aussi une attaque de chat assez audacieuse qui prête à rire lorsque l'on n'a pas toutes les clés de l'intrigue en main. 

Pas une totale réussite, mais loin d'être honteux, Régression souffre de quelques erreurs de débutant que l'on n'attend pas du réalisateur de Les Autres. Toutefois, c'est un long métrage qui se laisse regarder sans déplaisir, ne serait-ce que pour sa photographie hyper soignée et son scénario torturé. Comme nombre de récits à twist, Régression mérite au moins un second visionnage pour prendre conscience du tour de passe-passe du réalisateur. Un domaine dans lequel il excelle toujours.
N.T.

EN BREF
titre original : Regression
pays d'origine : Espagne / Canada
budget : 20 000 000 $
année de production : 2015
date de sortie française : 28 octobre 2015
durée : 106 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 3/5

† EXORCISME
▲ Réalisation soignée
▲ Intrigue captivante
▲ Le travail d’illusionniste

- DÉMYSTIFICATION -
▼Quelques clichés
▼ Casting principal
▼ La résolution de l'intrigue

LE FLIP
Endormi chez lui, l'inspecteur Kenner n'est pas seul...

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