[Critique] EVIL DEAD (2013) de Fede Alvarez

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Alcoolique et toxicomane, Mia veut en finir avec ses addictions. Pour parvenir à se sevrer, elle demande à son frère David, sa petite amie Natalie et deux amis d’enfance, Olivia et Eric, de l’accompagner dans la cabane familiale perdue au fond des bois. Sur place, les jeunes gens découvrent un livre ancien. Eric en lit un passage à haute voix, libérant des forces épouvantables qui vont se déchaîner sur eux… 

Malgré la vive polémique actuelle autour de la pratique effrénée du remake  – au détriment d'idées réellement originales, donc –, difficile de nier l'état de fébrilité générale qui entoure la sortie d'Evil Dead version 2013.
Pour preuve, le jour d'avant-sortie, le site Allociné, n'affichant aucune diffusion sur les deux principales villes vers lesquelles j'use régulièrement mes semelles de routard cinéphile, je m’apprêtais déjà à crachoter ici un semblant de venin, encore échaudé par l'affaire Insensibles, sur les exploitants des cités concernées. Heureusement, et contre toute attente, les films ont fini par débouler dans la programmation, m’inspirant un fort sentiment de soulagement et témoignant rétrospectivement du puissant état de nervosité dans lequel me mettait ce remake du classique de l'horreur, bricolé en 1981 par Sam Raimi.

En partie, pourrait-on justifier cet état quasi second par une passion sans faille pour l’œuvre originale, certes imparfaite, mais culte et influente, par la conviction que cette idée de remake était loin d'être stupide, et, plus tard, par le visionnage d'une bande-annonce et d'extraits clairement encourageants sur le fort potentiel de l'entreprise. Sans oublier, évidemment, toute la stratégie marketing, puisque le matraquage publicitaire, rare pour un film de ce genre, ne permet pas de passer à côté de cette sortie. Omniprésence sur internet, affiches au texte évocateur, bandes-annonces, extraits exclusifs, bouche à oreille globalement favorable, aucun doute, la sortie de Evil Dead fait autant de bruit que sa tronçonneuse affûtée. La question étant, au final, de savoir si tout ce tapage est censé noyer le poisson, ou si effectivement, ce dernier est totalement justifié...


Premier constat, si l'on quitte l'esprit bout de ficelle qui fait le charme de l’œuvre matricielle, le côté désormais mainstream de la mise en scène ne dépasse jamais le cadre formel et n'influe à aucun moment sur l'horreur et son intensité. Fede Alvarez adopte ainsi une démarche jusqu'au-boutiste afin d'offrir une déflagration de violence rare dans nos salles depuis quelques années, exception faite de certaines séquences relativement pénibles du remake de Maniac. Donc oui, dans Evil Dead, on saigne beaucoup, on découpe aussi, d'abord de la viande animale puis la chair des personnages, au cutter ou à la tronçonneuse, et on perce, à la cloueuse pneumatique. Tout cela avec un véritable souci du réalisme, inspirant le respect, la plupart des effets spéciaux ayant été réalisés en live sur le plateau.

Du coup, les amateurs d'horreur graphique vont largement trouver de quoi satisfaire leur boulimie en effusions sanguines. En revanche, du strict point de vue de l'épouvante, les amateurs de flip risquent de rester sur leur faim, à quelques rares jumpscare, peu convaincants. Là où Raimi prenait le temps de créer une atmosphère d'insécurité, d'exposer les lieux et leur menace, Alvarez ne s'intéresse qu'à l'action immédiate et au sort de ses personnages. Demeure, toutefois, un véritable sentiment continu d'angoisse, mêlée de glauque, dont la saveur particulière, souvent dérangeante, justifie à elle seule l'existence de cette nouvelle version.


Niveau thématique, l'un des apports essentiels tient dans le personnage de Mia et sa confrontation à ses addictions. Le rapprochement entre l'effet de possession des drogues et de l'alcool sur l'organisme, sur le processus destructeur qu'ils infligent inéluctablement aux corps, s'étendant également, dans le contexte du film, sur les pauvres personnages qui voulaient seulement aider, est de fait, plutôt bien vu. Cette tentative de guérison s'avérera évidemment un fiasco, évoluant vers le pire, puisque le démon qui possède Mia va s'emparer de toutes les âmes en présence, jusqu'à leur destruction.

Baignant dans un premier degré ultime -si l'on rit, c'est uniquement jaune- Evil Dead doit sa réussite à une brochette d'acteurs talentueux et surtout impliqués -on imagine sans mal les supplices qu'ils ont dû subir sur le plateau. D'ailleurs Jane Levy, dans le rôle Mia, avouera avoir été poussée à bout par Fede Alvarez lors du tournage, Lou Taylor Pucci, autant à l'aise une seringue dans l’œil que transpercé par une rafale de clous, nous fait généreusement partager son calvaire. Idem pour Jessica Lucas, adepte de l'automutilation -parfaitement bruitée- au cutter, idem pour Elizabeth Blackmore très à l'aise en cuisine avec un couteau électrique...

À noter que cette nouvelle version est signée Fede Alvarez, un successeur complètement validé par Sam Raimi, qui revêt ici, aux côtés de Bruce Campbell et Robert Tappert, déjà impliqués dans le film culte que l'on connaît tous par cœur, la casquette de producteur. Tout comme dans Evil Dead, premier du nom, les choses démarrent assez vite, pour ne plus laisser aucun temps mort jusqu'au générique de fin. À ce titre, les spectateurs les plus patients auront droit à une intervention "surprise" de Ash, laissant présager, additionnée aux déclarations récentes de Raimi, Campbell et Alvarez dans les médias, que la franchise devrait de nouveau faire parler d'elle d'ici peu.


Au final,  Evil Dead offre une relecture passionnante et réellement fidèle à l'esprit glauque du film fondateur, prouvant du même coup que malgré la vague de remakes qui déferle dans les salles, le recyclage peut être source d'inspiration, dépoussiérant et s'imposer de manière tout à fait légitime, sans exclure l’œuvre originale – pour s'en convaincre, il suffit de vérifier si le film de Sam Raimi est toujours présent dans votre bibliothèque après avoir vu la nouvelle version. Ici, les choses sont parfaitement dosées, faites avec sérieux, dans le respect de l'idée de base, et s'il ne terrifie pas comme nous le promettait son affiche, cela en fait-il un mauvais métrage pour autant ? Rien n'est moins sûr...
N.T.

EN BREF
titre original : Evil Dead
pays d'origine : États-Unis
année de production : 2013
date de sortie française : 01 mai 2013
durée : 91 minutes 
budget : 17 000 000 $
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4.5/5 


† HANTISE
▲ Très premier degré
▲ Relecture passionnante et fidèle
▲ Gore

-  DÉMYSTIFICATION -
▼ Campagne promo imposante et inquiétante
▼ Peu effrayant
▼ Absence de Ash (hors générique)

LE FLIP
La première intervention maléfique de Mia auprès de ses amis.



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