[Critique] L'HORRIBLE INVASION (1977/1978) de John Bud Cardos

ADRÉNOMÈTRE  ♠ 
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À Verde Valley, petite communauté rurale d'Arizona, la vie s'écoulait paisiblement jusqu'à ce que des animaux ne meurent dans des circonstances étranges. Ils sont victimes de doses massives de poison dont le vétérinaire Rack Hansen ne parvient pas à trouver l'origine. Quand il y réussit, avec l'aide de l’entomologiste Diane Ashley, il est trop tard. Des dizaines de milliers de mygales affamées déferlent déjà sur la ville.

On le sait, au fil des années, l'évolution du cinéma et des mécanismes de la peur - essentiellement conditionnés par les craintes collectives en perpétuel mouvement et les effets de mode fluctuants - atténue irrémédiablement le potentiel flip des plus grands films. Des classiques comme Frankenstein, Rendez-vous avec la Peur ou même Häxan en sont la preuve flagrante : beaucoup, notamment parmi les plus jeunes générations, pourraient difficilement imaginer que ces chefs-d’œuvre ont tétanisé le public à leurs époques respectives, et pourtant... Et si L'Horrible invasion n'en est pas spécialement un, de chef-d’œuvre, il n'a toutefois pas à rougir face au menu fretin que l'épouvante moderne nous sert régulièrement.
Du moins en terme de mise en image et de scénario, qui font ici le maximum pour rendre le propos du métrage intéressant et rendre une copie aux qualités indiscutables malgré un budget limité, notamment pour ce qui est du département des effets spéciaux.


Car L'Horrible Invasion, avec le cul un peu entre deux chaises, s'impose par la modernité de son traitement, tout en affichant une certaine culture - on devine même une pointe de nostalgie - du western. Générique country, grande vallées sauvages de l'Arizona, ranches et chapeaux de cow-boy, on se surprend à imaginer, à plusieurs reprises, John Wayne, débarquant avec son étoile en métal sur la chemise et un colt à la main pour dessouder les sales bestioles. Cependant le scénario parvient à doser correctement la partie exposition et les moments d'action, du coup, on ne s'ennuie pas, les choses commençant à bien s'enchaîner après la première demi-heure.

Dès la scène d'introduction, on prend conscience de l'influence qu'aura L'Horrible Invasion sur la production horrifique. D'ailleurs il est difficile de ne pas penser au slasher, alors en gestation, et surtout à Vendredi 13 qui lui plagiera la même idée musicale et visuelle lors de son meurtre d'ouverture, en prenant bien garde toutefois de remplacer le bovin qui n'a rien demandé à personne, par une pauvre jeune femme candidate au massacre. L'occasion, également, d'oser l'attaque de l'ignoble bête velue en caméra subjective pour adopter son point de vue. Osé. D'ailleurs à ce niveau, John Bud Carlos fait preuve d'une ingéniosité rare et use de tous les artifices techniques pour créer un sentiment de malaise autour de cette infestation de mygales. Nous avons donc droit à des gros plans légèrement déformés, des plans subjectifs, des contre-plongées... Si l'on s'amuse de ces monstres à huit pattes, à l'allure peu agressive, et au final aussi inoffensifs que dans un documentaire animalier, on ne voit jamais l’arachnide attaquer véritablement ; ainsi on regrette d'autant plus que certaines scènes se soient réalisées au prix du sacrifice de certains d'entre-eux.


Si l'horreur est peu présente sur la durée, et que le taux de terreur peine désormais à tenir la distance face à des rejetons effrayants tels Arac Attack ou Arachnophobie, c'est surtout la bande-son, ultra démonstrative, qui illustre le mieux l'ampleur de la catastrophe qui se déroule sous les yeux médusés du spectateur. On notera toutefois quelques moments de bravoure qui en valent la peine, comme l'agression en plein vol d'un pilote d'avion complètement hystérique, ou encore celle d'une jeune femme qui n'a plus d'autre solution que se tirer une balle dans la main pour se débarrasser de ses hôtes indésirables.

Niveau crédibilité, les choses sont forcément différentes vues de 2015. Notamment côté casting, qui pêche un peu par excès de zèle. L'exemple le plus évident - mais il y en a d'autres - est l'acteur culte du futur Star Trek, William Shatner, qui mime l'horreur plutôt qu'il la joue, bondissant sans cesse dans tous les sens, comme pour compenser le manque de dynamisme de l'attaque des araignées, que l'on repousse avec des extincteurs à incendie, ces dernières allant jusqu'à entraîner une coupure de courant. Malgré ce côté vintage, qui provoque parfois un sourire bienveillant, cette invasion inspire un certain effroi et la scène de panique en ville illustre à elle seule la démarche sérieuse et honnête d'un réalisateur dont on ne peut nier le talent.



Alors oui, L'Horrible invasion a pris un petit coup de vieux, et son final carrément osé, sous forme de matte painting pourrait rebuter les générations dopées au numérique. Toutefois, il serait dommage de passer à côté de la poésie qui se dégage de cette petite série B réalisée à l'ancienne, de ne pas se laisser porter par son charme, ses ambitions et son audace, d'autant que la copie DVD distribuée par Sidonis Calysta - déjà coupable de la sortie de Dolls de Stuart Gordon - rend réellement hommage à la photographie ultra-classe signée John Arthur Morrill, parfaitement en accord avec la réalisation inspirée de John Bud Carlos.
N.T.

EN BREF :
titre original : Kingdom of the spiders
pays d'origine : États-Unis
budget : 500 000 $
année de production : 1977
date de sortie française : 31 mai 1978 - 3 février 2015 (DVD - Sidonis Calysta)
durée : 94 minutes
adrénomètre : ♠
note globale : 3/5

† HANTISE
Réalisation inspirée et ingénieuse
Photographie ultra-classe
▲ Emploi de véritables mygales
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Le côté vieillot
▼ Les effets spéciaux limités
▼ Plus vraiment effrayant

LE FLIP : Une victime des arachnides retrouvée morte dans sa voiture.

LIRE AUSSI :
Arachnophobie
Vendredi 13
The Mist


Commentaires

  1. Un bijou de série B US et la véritable audace d'avoir travaillé avec de vraies bébêtes... Chose inimaginable aujourd'hui.

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