NIGHTMARE CINEMA (2018/2019 - DTV) de Joe Dante, Ryûhei Kitamura, Mick Garris... [Critique]

Évaluation du dossier : 4/5 []

Cinq étrangers sont attirés vers une salle de cinéma abandonnée. Sur l'écran, ils sont confrontés à leurs peurs et secrets les plus sombres lors de cinq courts-métrages qui reflètent leur propre vie. Derrière eux, le Projectionniste souhaite s'emparer de leur âme pour compléter sa collection...


À l'origine de la série Masters of Horror et d'une flopée d'adaptations télévisées d’œuvres diverses, souvent de Stephen King (Le Fléau, Shining...), Mick Garris remet le couvert avec une nouvelle anthologie horrifique inégale mais réjouissante signée par des orfèvres du genre.

Mick Garris aime le genre c'est indéniable. Depuis ses débuts sur Histoires Fantastiques – sous la houlette de Steven Spielberg qu'il a rencontré pour la première fois alors qu'il réalisait le making of des Goonies – en passant par la réalisation de suites aux qualités très variables (Critters 2, Psychose 4) ou l'écriture du script de La Mouche 2, il est un incontournable au sein de la production horrifique de ces 35 dernières années. Fidèle de Stephen King dont il adaptera les écrits à sept reprises, on lui doit surtout l'excellente idée de réunir les maîtres de l'horreur au milieu des années 2000 et de parvenir alors à faire sortir John Carpenter de sa retraite anticipée. Il revient ici avec un concept proche, à l'exception près qu'il réunit quelques noms associés au genre dans un même long-métrage, se chargeant de relier le tout via son segment The Projectionist, un personnage mystérieux interprété par Mickey Rourke. Il se présente comme un collecteur de morts et conservateur d'un siècle de cauchemars. Ceux qu'il va partager au sein du Nightmare Cinema


C'est Alejandro Brugués qui ouvre les festivités avec The Thing in the Woods. Le réalisateur notamment de Juan de los Muertos et de quelques épisodes de la série Une nuit en enfer s'intéresse à une jeune femme en prise avec un tueur en série grimé d'un masque de soudeur. Sur le ton du thriller d'abord, puis de la comédie horrifique, il réussit avec brio à surfer sur plusieurs registres, du slasher au gore en passant par le monster movie, faisant passer dans la foulée un message sur les apparences auxquelles il ne faut pas se fier, du moins ici.

C'est à partir d'une morale similaire que se construit le segment suivant, Mirari signé Joe Dante. Le réalisateur d'Hurlements, The Hole ou encore Gremlins, malheureusement moins productif au cinéma ces dernières années qu'à la télévision (Witches of East End, Splatter, Salem...), nous fait partager sa vision peu conforme du monde de la chirurgie esthétique. On y fait la connaissance d'Anna, une jeune femme complexée par une cicatrice qui lui recouvre la joue. Soutenue par son petit ami – dont le visage évoque le fruit d'une union improbable entre Christopher Reeve et Ethan Hawke – elle s'en remet corps et âme au docteur Mirari, interprété par Richard Chamberlain (Twin Peaks: The Return, Allan Quatermain et les mines du roi Salomon) qui promet de la guérir grâce à une technique révolutionnaire. Bien sûr, les choses ne se passent pas comme prévues – et on n'en attendait pas moins – Joe Dante plongeant le spectateur tête la première dans un univers paranoïaque (ou pas) et s'amusant avec la carte du traumatisme postopératoire à la sauce Les Yeux sans visage.



Avec Mashit, c'est cette fois Ryûhei Kitamura (Midnight Meat Train, No One Lives) qui prend les choses en mains. Il nous plonge dans un couvent pas très catholique où un adolescent possédé a trouvé la mort en chutant du toit. À partir de là, tout vacille et une entité démoniaque s'en prend aux jeunes pensionnaires. Démon hargneux et exorcisme figurent au programme de ce segment barré où se mêlent effets gores, sexe, et où tout le monde en prend pour son grade. Esthétiquement, il rappelle les plus belles heures du cinéma horrifique transalpin (Argento et Fulci en tête de proue), idem côté musique qui n'est pas sans évoquer les partitions aux accents synthé rock progressif des Goblin. L'ensemble s'avère plutôt réjouissant, irrévérencieux et grand-guignolesque à souhait. Niveau réalisation, on reconnaît – et apprécie – la patte du réalisateur de Versus et son sens chorégraphique jusqu’au-boutiste des combats qui rend l'ensemble particulièrement nerveux et savoureux.


L'histoire suivante est mise en scène par David Slade (30 jours de nuit, Hard Candy). This Way to Egress nous raconte le calvaire d'Helen en salle d'attente avec ses deux fils alors que le rendez-vous avec son médecin prend du retard. À mesure que le temps passe, son environnement semble devenir instable et sa rencontre avec le docteur Salavadore va remettre en cause ce qu'elle pense être la réalité, celui-ci lui posant une série de questions de plus en plus déroutantes. Derrière la caméra, David Slade retranscrit parfaitement à l'image le calvaire psychique de sa protagoniste à partir d'effets divers amplifiés à mesure que le temps passe. Les visages deviennent difformes, la matière des objets paraît douteuse, le bâtiment semble avoir brûlé dans un incendie... L'instabilité (mentale ou complot) enveloppe la protagoniste et prend une dimension étouffante qui saisit le spectateur grâce notamment à la performance très juste d'Elizabeth Reaser (The Haunting of Hill HouseOuija : Les Origines), parfaite dans son déni (ou pas) face à une sévère dépression (ou pas).


Le dernier court-métrage est réalisé par Mick Garris lui-même et confronte un adolescent à une agression nocturne tragique alors qu'il rentre de concert avec ses parents. Le jeune prodige du piano se réveille au sein d'un hôpital où on ne lui dit pas grand-chose. Laissé seul dans l'unité des soins intensifs, les choses prennent une tournure peu rassurante alors qu'il partage la salle avec un patient flippant. Il comprend bientôt qu'il a développé un pouvoir plutôt inattendu... Dead est peut-être le segment le moins intéressant bien qu'il reste très convenable, présentant des morts plutôt sanguinolentes et autres maquillages de cadavres réalistes. Ce dernier récit souffre aussi de son positionnement défavorable en fin de métrage alors que l'on approche les deux heures de visionnage. Malgré cela, Garris livre une copie plutôt honorable et fait même preuve d'un savoir-faire et d'une progression notable dans sa manière de penser sa mise en scène, nous gratifiant d'un final en parfait accord avec ce que les fans du genre attendent.



On pourra toujours reprocher un manque de cohérence ou des petites variations de rythme entre les segments, mais on sait qu'il est difficile d'y échapper dans le domaine du film à sketches. Certains spectateurs peu familiers du genre pourraient aussi ne pas saisir l'intérêt véritable de ces histoires souvent farfelues, mais les vrais sauront reconnaître cet esprit créatif libre avec ce petit grain de folie qui manque à la production cinématographique actuelle, taquinant un peu la fibre nostalgique par son esprit "à l’ancienne", rappelant  à notre mémoire d'autres œuvres telles que Creepshow ou, plus tôt, La Poupée de la terreur. Il apparaît clair lors du visionnage que l'on n'est pas sur du concept prémâché distribuable en salle, néanmoins, il apparaît aussi et c'est pour nous bien plus important, que chaque photogramme transpire la passion de ces réalisateurs, véritables orfèvres et amoureux du genre. Pour tout cela, et malgré ses imperfections, Nightmare Cinema mérite toute notre bienveillance.
N.F.T.


EN BREF
titre original : Nightmare Cinema
distribution : Mickey Rourke, Richard Chamberlain, Adam Godley, Annabeth Gish, Patrick Wilson, Adam Godley...
pays d'origine : États-Unis
budget : N.C.
année de production : 2018
date de sortie française : 5 novembre 2019 (DVD - Factoris Films)
durée : 119 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5


† EXORCISME †
▲ Gore
▲ Fun
▲ Fait par des amoureux du genre

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Pas toujours très original
▼ Rythme inégal
▼ Un peu long, surtout vers la fin


LE FLIP
Le Mashit apparaît inopinément aux pensionnaires...

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