[Critique] LES YEUX SANS VISAGE (1960) de Georges Franju

Évaluation du dossier : 4.5/5 [♥]

Un brillant chirurgien, le docteur Génessier, aidé de son assistante Louise, souhaite remodeler le visage de sa fille Christiane, rendu méconnaissable suite à un accident de voiture. Mais pour cela il doit effectuer des greffes de peau prélevée sur des jeunes filles qu'il kidnappe.

Quelques mois avant la sortie aux États-Unis de Psychose, étape décisive dans l’avènement de l'horreur moderne, Georges Franju plongeait déjà le cinéma français dans le bain – de sang – à venir, en livrant l'un des premiers films d'un nouveau genre, clairement plus réaliste, psychologique et exubérant.

Si le temps a fatalement réduit son impact, Les Yeux sans visage n'en demeure pas moins un classique incontesté et incontestable. Proche des pratiques immorales des savants fous de Frankenstein et de Dr. Jekyll and Mr. Hyde, le réalisme en plus, ses images les plus fortes s'inscrivent longtemps sur la rétine, ce qui, on le devine, a dû perturber les spectateurs de cette époque encore peu habitués à une telle proximité horrifique.


Les Yeux sans visage est à ranger aux côtés des œuvres matricielles que sont Psychose d'Alfred Hitchcock et Le Voyeur de Michael Powell qui marqueront l'entrée du cinéma d'épouvante dans l'ère de l'horreur. Toutefois, injustement, Psychose sera plus souvent cité pour son côté sombre et malade, clairement moins poétique que l’œuvre de Franju. Enfin, non content d'être à l'origine du slasher – La Baie sanglante de Mario Bava une décennie plus tard apportera sa pierre à l'édifice –, ils ouvriront aussi la voie à Herschell Gordon Lewis qui lancera les premières salves du gore trois ans ans tard avec Blood Feast.

Il n'en reste pas moins difficile, même plus d'un demi-siècle après, d'oublier cette scène de découpe de visage au scalpel de l'une des pauvres victimes anesthésiée, filmée avec une précision chirurgicale. On retient cette scène choc, mais également d'autres qui ont vocation à titiller l'adrénomètre par le biais de la suggestion. Lors d'une séquence des plus intenses, le spectateur devine, horrifié, le visage de Christiane vu au travers des yeux de l'une des victimes du docteur Génessier. Ainsi, l'on devine aisément l'étendue du sentiment de panique et du même coup, la raison de sa réaction.


Au casting, on retrouve Pierre Brasseur, dans le rôle du docteur Génessier, chirurgien ayant perdu pied suite à l'accident de sa famille. Il est le personnage central du film et ses agissements questionnent le spectateur : "Peut-on faire le mal, même pour de bonnes raisons ?". Son sort en fin de métrage offrira une réponse pour le moins ironique. Le fiston, Claude Brasseur campe quant à lui un inspecteur novice et improductif pour ce qui est de faire avancer l'enquête. Le casting féminin est dominé par la performance de la star italienne, Alida Valli (Suspiria, Inferno) dans le rôle de Louise, complètement dévouée à la cause du docteur, et évidemment la pauvre Christiane, interprété par Edith Scob (Holy Motors, Vidocq), qui fait les frais des excentricités de son père. L'adaptation cinématographique très réussie du roman de Jean Redon – vraisemblablement un pseudonyme de Frédéric Dard – est assurée par Boileau, Narcejac, Pierre Gascar et Claude Sautet. Difficile aussi de faire l'impasse sur la musique du film et plus particulièrement cette ritournelle décalée, entêtante et glaçante, composée par Maurice Jarre.

Si l'on retrouve des traces – à plus ou moins forte dose– des Yeux sans visage en 1997 dans Ouvre les yeux d'Alejandro Amenábar et La Piel que habito de Pedro Almodovar en 2011, il a aussi fait l'objet de suites ou remakes officieux dont Corruption en 1968 avec Peter Cushing, ainsi que L'Horrible Docteur Orlof en 1962 et Les Prédateurs de la nuit en 1987, tous deux réalisés par le prolifique Jesús Franco. On ne s'étonne donc pas du fait que cette œuvre soit encore aujourd’hui reconnue comme l'une des plus grandes – et rares – réussites du cinéma d'horreur made in France.
N.T.


EN BREF : 
interdit au moins de 16 ans
titre original : Les Yeux sans visage
pays d'origine : France / Italie
budget : ?
année de production : 1960
date de sortie française : 11 janvier 1960
durée : 88 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5

† HANTISE
▲ Quelques scènes fortes et marquantes
▲ La ritournelle entêtante de Maurice Jarre
▲ Un conte mêlant poésie et réalisme avec brio

-  DÉMYSTIFICATION -
▼ Léger coup de vieux
▼ Impact amoindri
▼Un des seuls chefs-d’œuvre horrifique français


LE FLIP : Les conséquences inattendues de la nouvelle greffe de peau sur Christiane...

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