Évaluation du dossier : 2.5/5 [♥]
Quand une romancière d'horreur décide de faire une pause d'écriture, elle découvre que le démon de son livre existe aussi dans le monde réel. Cette sorcière désincarnée nommée Marianne la ramène dans la ville de son enfance, et la pousse à reprendre son projet en la terrorisant.
On attendait beaucoup (trop ?) de Marianne, première véritable série d’horreur française, diffusée par Netflix. Si la tentative est plus que louable, l’essai passe assez loin de la transformation. Terreur et production française : une histoire de malédiction, incompatibilité culturelle ou affinités en devenir ?
Marianne nous plonge dans l’univers de la romancière Emma Larsimon, auteure de la série horrifique au succès mondial Lizzie Larck, qui voit survenir dans son entourage proche d’inquiétants phénomènes, alors même qu’elle annonce tout juste de façon officielle sa décision de mettre un terme à la saga, au grand désespoir de ses fans. Très vite, on comprend qu’Emma, par ce geste, vient de réveiller un maléfice lié à son adolescence au cœur de son village natal breton. Accompagnée de son assistante, elle n’a pas d’autre choix que de se confronter au démon qui la rappelle et la ramène 15 ans en arrière.
Bien qu’un tel synopsis ne déborde pas d’originalité, le premier épisode parvient, avec le bénéfice du doute certes mais tout de même, à faire décoller l’histoire. La photo est soignée, Victoire Du Bois excellente en Emma alcoolique, iconoclaste, charismatique, un poil gothico-androgyne, séduit. Le rythme est soutenu, le ton se veut singulier, désacralisant, alternant angoisse et légèreté, voire burlesque, même si ça rame pas mal de ce côté-ci. On relève des incohérences mais, comme on espère les voir levées par la suite, ça passe.
C’est dès le deuxième épisode que la crédibilité en prend pour son grade. En témoigne la séquence revival de la bande d’anciens potes d’enfance qui, en dehors de pomper méchamment Ça, tombe complètement à plat. On se retrouve devant un épisode du Club des cinq sur L’Île aux trente cercueils. Même si on perçoit la volonté des auteurs de flirter avec le public ado, en résonance avec les récits d’Emma (elle avoue elle-même vouloir tourner la page pour s’adresser enfin à des adultes), l’écriture fait preuve de trop d’immaturité. Les personnages sont survolés et la mise en scène peine à suivre un trop-plein d’informations. Le spectateur doit alors accorder toute sa bienveillance à Marianne pour poursuivre.
Passé le troisième épisode, tous les éléments du scénario sont en place et une allure de croisière s’installe enfin. La construction narrative toute en circonvolutions ponctuée d’un repère temporel récurrent fonctionne bien. Le rythme est plus posé et se maintiendra tant bien que mal en orbite stationnaire jusqu’à la fin, pour peu qu’on soit plus ou moins invraisemblances-compatible.
On mentionnera, pour clore le dossier à charge, une bande-son trop présente, mais surtout un pillage en masse d’idées sur le fond et la forme à tous les modèles du genre, du Projet Blair Witch, à The Haunted of Hill House, en passant par Misery, L’Exorciste ou Ça, pour faire court. On devine en arrière-plan l’intention tout à fait respectable de mixer ces influences, mais le résultat penche du côté de la juxtaposition de samples mal digérés. Le nombre sidérant de ces références trop évidentes et écrasantes fait plus état d’un manque d’originalité que d’une marque de respect ou d’une complicité cinéphile. S’agit-il là d’une exigence de production, d’un aveu de frilosité des auteurs Samuel Bodin et Quoc Dang Tran ou d’une trop grande admiration de fans envers leurs modèles ? De façon plus générale, l’héritage anglo-saxon est-il à ce point aussi lourd pour les auteurs français ? Les réussites en matière de production française font figure d’exception (Pascal Laugier) ou se démarquent par le détour du pur genre dans une voie plus personnelle à la frontière du thriller métaphysique (Marina de Van, Julia Ducournau). Le goût de la terreur serait-il alors de nature culturelle ? Bref, les français sont-ils trop terre à terre, ou ont-ils peur d’avoir peur ?
Malgré tout, on peut saluer l’audace de la série qui par son mélange des registres distille un certain charme et s’octroie une réelle identité étayée par une galerie de portraits singuliers (Emma, madame Daugeron, l’inspecteur Ronan, Caroline, le père Xavier). Le décor sauvage du village breton servi par une belle photo s’accorde bien au récit, et on peut adresser une mention spéciale à Reepost, l’équipe des effets spéciaux, très réussis, ainsi qu’au travail de maquillage. Si on considère Marianne saison 1 comme une ébauche, on se plaît à espérer une saison 2 plus mature, aventureuse et rigoureuse dans l’écriture.
M.V.
EN BREF
titre original : Marianne
distribution : Victoire Du Bois, Lucie Boujenah, Tiphaine Daviot...
Pays d'origine : France
budget : N.C.
année de production : 2019
date de sortie française : 13 septembre 2019 (SVoD - Netflix)
durée : 416 minutes (8 épisodes x 52 minutes)
adrénomètre : ♥
note globale : 2.5/5
† EXORCISME †
▲ Victoire Du bois (Emma Larsimon)
▲ Effets spéciaux
▲ Photographie
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Scénario mince
▼ Incohérences
▼ Clichés
LE FLIP
Seule, la nuit, avec Marianne au bout du fil…
LIRE AUSSI
The Haunted of Hill House
American Horror Story
Scary True Story
Commentaires
Enregistrer un commentaire