MUSE (2017/2018 - DTV) de Jaume Balagueró [Critique]

Évaluation du dossier : 3.5/5 []

Depuis un an, Samuel, professeur de littérature ancienne, fait chaque nuit le même cauchemar où une femme est assassinée lors d’un rituel macabre. En apprenant dans la presse locale qu’un meurtre identique a eu lieu, il comprend que son rêve était prémonitoire. Alors qu’il cherche des réponses sur les lieux du crime, Samuel fait la rencontre de Rachel, une jeune femme qui affirme avoir eu les mêmes visions que lui. Ensemble, ils vont mener l’enquête pour percer ce mystère et entrer dans un monde contrôlé par des créatures terrifiantes : les Muses.


Délaissant l'horreur pour le thriller fantastique, Jaume Balagueró adapte le roman de José Carlos Somoza "La Dame n°13" et livre une œuvre noire mêlant enquête et réflexion sur le mystérieux pouvoir du langage poétique.


Muse marque le retour de Jaume Balagueró dans les milieux ésotériques depuis La Secte sans nom et Darkness. Un retour aux sources plutôt bienvenu dans la mesure où le cinéaste au parcours quasi sans faute avait un peu manqué d'inspiration sur le pas si mauvais [Rec] 4 : Apocalypse. Il livre ici un film noir, où les cauchemars prémonitoires de Samuel Solomon vont mener progressivement le spectateur dans un univers surnaturel où évoluent les "7 dames", muses de la mythologie et créatures maléfiques qui ont inspiré les plus grands poètes, et capables de faire le mal – plus rarement le bien – à la seule force de leurs incantations.



Renouant avec l'esthétique européenne qui le rapproche clairement de La Secte sans nom, Muse n'a rien de la grosse production américaine lissée et l'assume, ce qui lui donne un cachet assez original et authentique. La mise en scène de Jaume Balagueró, sans faire d'étincelles, n'en est pas moins rigoureuse et participe à la mise en place de ce climat froid et désespéré qu'il maîtrise parfaitement et qui faisait déjà la particularité de ses premiers long-métrages. Cependant, malgré son sujet, il ne faut pas s'attendre à une déflagration d'effets spéciaux puisque l'esprit du film serait plutôt à puiser du côté du polar, l'enquête  étant le principal moteur de cette histoire. D'ailleurs, c'est cette intrigue en forme de puzzle qui maintient l'attention du spectateur jusqu'à la fin.

Pour mener son projet à bien, le réalisateur espagnol s'entoure d'un casting solide. À commencer par Christopher Lloyd (La Famille Adams, Piranha 3D), dans le rôle du vieux Bernard Rauschen, rare mais remarquable, à total contre-emploi avec son éternel personnage de Doc Brown dans Retour vers le futur. Il n'éclipse toutefois pas les premiers rôles, Elliot Cowan (Howl, Hammer of the Gods) et Ana Ularu (Inferno, Werewolf : la nuit du loup-garou) incarnant respectivement Samuel Solomon, le "veuf" éploré, victime de cauchemars prémonitoires et Rachel, la jeune mère en galère sous le joug d'un proxénète ultra violent. 



Au-delà de la thématique du deuil, Muse est surtout un film sur l'inspiration – décidément après Mother et Ghostland le sujet inspire, justement – sur  le pouvoir des mots, la force magique voire maléfique de la poésie. Des références à la littérature classique y sont disséminées, donnant l'impression d'une œuvre élitiste, peut-être destinée à "un public exigeant, intéressé par l'art poétique et la littérature" comme le souligne le réalisateur, mais cela n'empêche aucunement le visionnage du long-métrage et, surtout, l'immersion dans son intrigue.

Plus proche du polar fantastique que du cinéma d'horreur, Muse désarçonne par son affiche et sa communication plutôt orientées épouvante alors qu'il ne fait jamais peur. Une fois cet élément intégré, cette nouvelle livraison de Jaume Balagueró s'avère passionnante et son scénario suffisamment ingénieux pour tenir le spectateur en haleine jusque dans ses ultimes instants. Seul regret, sur une durée de 1 h 50 peut-être aurait-on pu espérer que le réalisateur développe davantage ce qui a trait au pouvoir occulte du langage et des mots, thème central du best-seller dont il s'inspire.
N.F.T.

EN BREF
titre original : Muse
distribution : Elliot Cowan, Franka Potente, Ana Ularu, Leonor Watling, Manuela Vellés, Joanne Whalley, Christopher Lloyd, Cally O'Connell, Sam Hardy...
pays d'origine : Espagne, Irlande, Belgique, France
budget : 5 000 000 $
année de production : 2017
date de sortie française : 4 avril 2018 (DTV - The Jokers Films)
durée : 107 minutes
adrénomètre : ♠
note globale : 3.5/5

† EXORCISME †
▲ Histoire
▲ Esthétique
▲ Œuvre noire

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Quelques impressions de lenteur
▼ Le pouvoir des mots insuffisamment développé
▼ Promotion trop axée horreur

LE FLIP
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