[Critique] SINISTER 2 (2015) de Ciarán Foy

Évaluation du dossier : 4/5 [♥♥]

Alors qu’il reprend son enquête inachevée sur les homicides non résolus, l’ex-shérif adjoint fait la connaissance d’une jeune mère de famille et de ses jumeaux. Ces derniers viennent de s’installer dans une maison où des évènements macabres se sont produits. Tout porte à croire qu’il s’agit une nouvelle fois de la même entité surnaturelle et que la famille est en danger ...

Presque trois années après la sortie d'un premier opus mémorable, Sinister 2 vient offrir une suite pertinente à la péloche glauque et passionnante livrée à l'époque par Scott Derrickson (L'Exorcisme d'Emily Rose, Délivre-nous du mal) sous l'égide du studio Blumhouse Productions. 

Alors que ce type de séquelle – aux fins mercantiles à peine dissimulées – conduit la plupart du temps à une déception, la bonne surprise est ici au rendez-vous sur de nombreux points. Notamment grâce à un traitement dramatique et social qui sonne juste et une tentative louable d'apporter un peu de renouveau à une structure narrative que l'on redoutait prévisible.... à tort.

Le moins que l'on puisse dire est que céder les rênes de la suite de Sinister et son concept fort à Ciarán Foy relève de tout sauf de la faute de goût. Comme il le laissait déjà présager avec le remarquable Citadel, le cinéaste manifeste un point de vue affuté sur ce qu'il filme. Il dirige parfaitement ses acteurs, sait retranscrire la psyché de ses personnages et mettre sa mise en scène au service de son histoire. Ici, les mouvements de caméra et le cadre sont travaillés, soignés et même les ingénieux fondus enchaînés relèguent loin derrière d'autres productions fadasses made in Blumhouse de type Mercy ou Ouija, bénéficiant pourtant de budgets similaires.


Côté scénario, plutôt que s'endormir sur ses lauriers en reprenant le schéma du premier volet, Sinister 2 se permet de prendre des directions différentes et parfois même offrir le Saint Graal à l'amateur du genre, soit des situations carrément inattendues. Ainsi, Sinister 2 s'affranchit du film d'horreur lambda et des séquelles aux scénarios clonés servis inlassablement ces dernières années. On peut à ce titre évoquer le changement radical de point de vue puisque c'est cette fois du côté des victimes de Bagul que l'on découvre toute la machination qui mène les enfants qu'il convoite à basculer du côté obscur. Tout en se montrant sombre, parfois glauque, et sans trop en dire, le scénario se permet de prendre une direction dans sa dernière partie, assez surprenante.

Niveau casting, rien à redire, le duo constitué de James Ransone (Le bal de l'horreur, Ken Park) dans le rôle de l'ex-adjoint au shérif un peu gauche et Shannyn Sossamon (Les Lois de l'attraction, Wayward Pines) dans celui de la mère protectrice acculée de tous côtés, fonctionne à merveille. L'idée de reprendre le personnage du flic un peu maladroit est plutôt bien vue tant ce dernier se révèle original et surtout suffisamment attachant pour rendre cohérents certains arcs narratifs du métrage.


Cependant les véritables guest stars du film, à l'instar de la franchise des Destination Finale, ce sont les bobines super 8 et leurs mises à mort toujours aussi malsaines et sadiques. Et ici, on est une nouvelle fois servi, de la scène de pêche à celle des rats, le malaise est toujours bien présent, même si l'effet de surprise est un peu entamé.

Alors certes, le rendu général est moins flippant, en partie parce que l'on n'est plus exclusivement dans le huis-clos, mais un budget gonflé de 3 000 000 $ par rapport au premier volet aide probablement à multiplier les unités de lieu. Les jump scares syndicaux sont également utilisés avec parcimonie, sans tomber dans les effets de foire auxquels se frottait parfois le métrage de Derrickson. Le sens de l’authenticité de Ciarán Foy fait ici merveille et offre un côté moins surfait salvateur.

Au regard de Citadel, il est clair que la recherche d'une certaine "vérité" dramatique anime le cinéma de Ciarán Foy. Il atteint son objectif avec aisance puisque son casting combiné à sa mise en scène permettent d'apporter une touche réaliste non négligeable en abordant cette suite sous l'angle du drame social, celui d'une mère traquée par son beauf de mari, sur fond de violence conjugale et de maltraitance infantile.


Ciarán Foy livre au final une œuvre rusée et efficace, tant sur la forme que le fond. Il fait réfléchir sur le pouvoir de l'image et interroge sur sa réelle influence alors qu'elle est omniprésente très tôt chez le jeune public. Ici l'ultra violence pervertit l'enfance et se transmet telle une malédiction d'une famille à l'autre. Un effet viral causé par le "Mal" largement souligné ici. Si l'on reconnaît là aisément le petit côté catho moralisateur très présent dans l’œuvre de Derrickson – toujours co-scénariste ici aux côté de C. Robert Cargill – il appartient à chacun de passer outre ce sous-texte pour se laisser porter dans les couloirs de cette œuvre pour le moins singulière, soignée et réussie. Et si l'on espère qu'une suite ne viendra pas risquer de gâcher la belle dynamique de ce diptyque, on attend en revanche avec impatience la prochaine livraison de son réalisateur.
N.T.


EN BREF
titre original : Sinister 2
pays d'origine : États-Unis
budget : 5 000 000 $
année de production : 2015
date de sortie française : 19 août 2015
durée : 97 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4/5

† EXORCISME †
▲ Mise en scène inspirée
▲ Scénario astucieux
▲ Le retour du shérif adjoint
- DÉMYSTIFICATION -
▼Atmosphère moins glauque et oppressante
▼ Effets de surprise en moins
▼ Un peu moins flippant

LE FLIP
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