[Critique] AUX YEUX DES VIVANTS (2014) de Julien Maury et Alexandre Bustillo

Évaluation du dossier : 3/5 []
Dan, Tom et Victor, trois adolescents inséparables décident de sécher leur dernière journée de cours pour rejoindre la campagne. Bientôt, ils s’engouffrent dans les méandres d’un studio de cinéma abandonné. Un lieu décrépi devenu le repère d’Isaac et Klarence Faucheur, un homme et son étrange fils, bien décidés à ne pas laisser le trio dévoiler leurs sombres secrets aux yeux des vivants.


Aux Yeux des Vivants a brillé par son absence lors de sa sortie en salles en avril dernier. Un mépris de la part des exploitants qui n’a pas manqué de faire réagir les amateurs de cinéma d’horreur hexagonal, nous les premiers, et compensé par une sortie vidéo pour le moins attendue.

Si les premiers retours sont mitigés, voire divisés, la première chose qui saute aux yeux (des vivants, donc...), c’est la capacité de Julien Maury et Alexandre Bustillo à s’imprégner d’une culture de l’horreur, principalement américaine, même s'il louche aussi du côté italien, pour se l’approprier et la recracher à sa sauce. Certes, la soupe peut paraître indigeste au premier abord, Aux Yeux des Vivants se frottant avec plus ou moins de réussite, et un budget mini, à des références notables telles que Massacre à la Tronçonneuse, La Colline à des Yeux, Stand by me et Les Goonies. Sauf qu’au lieu d’en épouser la réalisation, qui va de la plus mainstream chez Donner, à la plus décomplexée pour Hooper, on baigne totalement dans une horreur à la française. Ainsi, le film se détache des poncifs de mise en scène des productions hollywoodiennes, et tente d’assumer, bon an, mal an, son origine certifiée made in France.  Culotté, mais également casse-gueule…  


Avec Aux Yeux des Vivants, le duo de réalisateurs, déjà à l’origine du radical À l’intérieur et plus récemment de Livide, s’éloigne de l’onirisme perceptible dans ce dernier, pour se rapprocher d’une horreur froide dans son intention, s’autorisant juste un peu, lors de ses scènes d’exposition, du lyrisme qui hante la plupart des bobines dédiées aux ados confrontés à d'inévitables quêtes initiatiques.

Niveau casting, plutôt bon dans sa globalité, les acteurs sont parfois poussés à surjouer, notamment lors de la scène d'ouverture avec Béatrice Dalle. Certains apprécieront l'impression d'hystérie qui se dégage du procédé, alors que d'autres s'interrogeront sur la direction d'acteur et sur des choix risqués qui peuvent entrainer un décrochage, et déjà rencontrés sur Livide. Pour ne rien arranger au tableau, quelques ennuis de son, pire, d’articulation, viennent parfois entraver la compréhension de certains dialogues.


La caractérisation du groupe d’adolescents est assez réussie, bénéficiant de la fraîcheur de son jeune casting. Elle souligne à merveille la bonne dose de connerie et d'inconscience inhérente à l’âge, du genre pisser sur ses potes parce que c’est fun... La surenchère dans les dialogues, particulièrement fleuris, fait souvent mouche, même si c'est au risque, parfois, de prêter à la séquence l'unique fonction d’écrin à ces échanges débridés. C'est ici que l'on pense à Stephen King – un des mioches lit un Horror Comic rappelant Creepshow – et à Stand by me

Passons sur le manque de crédibilité de certaines situations telles le plus grand du trio, visiblement un brin déphasé, qui brandit une hache vers la tête d’un paysan et s'interrompt juste avant le massacre, ou ce même paysan qui se précipite sur les jeunes pyromanes plutôt que d’interrompre le début d'incendie.


Alors Aux Yeux des Vivants signe-t-il le renouveau du genre ? Pas vraiment. Il s'avère cependant plutôt attachant, et difficile à condamner définitivement, tant il défend une certaine vision du cinéma d’horreur et pioche dans un catalogue de références qui ont bercé la plupart d'entre nous. De plus, le métrage prend enfin la dimension qu’il mérite dans sa dernière demi-heure, la caractérisation fonctionne de manière plus naturelle, et souffle enfin un sentiment d'empathie pour les personnages, candidats au carnage.

Alors, on imagine sans mal les difficultés rencontrées pour offrir le cachet qu’il mérite à ce type de projet. Et question image, quelques scènes d’exposition, surtout en extérieur, apportent une touche esthétique non négligeable à un ensemble malheureusement pas toujours à la hauteur de ses ambitions. Demeure un scénario surprenant dans le morne paysage horrifique français, qui aurait toutefois mérité d'être développé davantage, ne serait-ce que pour rendre moins surfaits les liens d’amitiés qui unissent les principaux personnages du film, ou bien dissimuler plus efficacement certaines ficelles scénaristiques.
N.F.T.

EN BREF
titre anglais : Among the living
pays d'origine : France
budget : 2 000 000 € (environ)
année de production : 2014
date de sortie française : 30 avril 2014 (12 salles)
durée : 88 minutes
adrénomètre : ♠
note globale : 3/5

† HANTISE
▲ Attise la fibre nostalgique
▲ La dernière demi-heure efficace
▲ Certaines séquences d'exposition

-  DÉMYSTIFICATION -
▼ Distribution en salle catastrophique
▼ Budget insuffisant pour un projet ambitieux
▼ Problèmes de son

LE FLIP 
Une présence dans la chambre de bébé...

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Archive du 30 avril 2014 
 

Difficile d'évoquer un métrage que l'on n'a pas vu. Difficile également de voir un film qui, le jour de sa sortie, le 30 avril dernier, n'obtient que 12 salles sur la France entière...

Inutile de revenir sur l'éternel mépris du genre de la part de complexes, qui, après avoir essoré les cinémas de quartier, sclérosent la créativité, les productions et les spectateurs avec leur sempiternelle soupe riche en comédies populaires fades, en cinéma d'auteur intello et soporifique, en super-héros que l'omniprésence a rendu au mieux insipides, au pire insupportables...


Bref, les fans d'horreur, pourtant un nid de cinéphiles passionnés qui se bougent en salle pour voir les dernières productions du genre (la projection du remake d'Evil Dead dans une petite salle dijonnaise pleine à craquer n'est qu'un exemple parmi tant d'autres), sont une nouvelle fois la cible directe de ronds de cuirs incapables de penser cinéma autrement que par le prisme de la rentabilité et d'un bon goût bien baveux et au final aussi dégueulasse que puisse l'être son ostensible et déraisonné appât du billets verts... 

12 salles, pour un film interdit aux moins de 16 ans, cela nous renvoie directement à une autre sortie méprisée par les exploitants (pour ceux qui ont œuvré sur le film et pour le public), celle d'Insensibles, pour lequel nous avions déjà poussé un coup de gueule et sur lequel le réalisateur Juan Carlos Medina s'était exprimé, n'hésitant pas à qualifier, à juste titre, le cinéma hexagonal de "cinéma pasteurisé"... D'ailleurs, on ne peut que constater un bien triste record cette fois, puisque Insensibles avait quand même, à l'époque, réussi à obtenir 17 salles. Ce sera 12 pour Aux Yeux des Vivants... Alors qui fera pire ? Quel sera le prochain ? Existe-t-il encore aujourd'hui des salles de cinéma en France ? 
N.T.

Commentaires

  1. Mais le film n'est qu'un insupportable catalogue de références cinéphilique qui devient vite assez insupportable, la faiblesse des deux lascars dans l'écriture des scénarii et encore plus des dialogues n'a jamais été plus frappante.
    Ils s'avèrent incapables de filmer leur décor pourtant vraiment réussi et ils méprisent leur personnages au point que l'on se contrefous de leur sort. Les ellipses, d'ailleurs, sur la mort de certains d'entre eux, démontrent que l'on se fiche de leur sort tout autant que les cinéastes et affaiblissent encore le scénario (ex: les gamins sont ils morts ? Sont ils enlevés ? S'ils sont vivants, vont ils revenir et ré-intervenir dans le récit...)
    Cette horreur light en prime tranche vraiment avec le surgissement du gore en toute fin qui apparaît du coup complètement déplacé et grotesque.
    Les acteurs sont tous bien, mais ils ne réussissent pas à faire exister des personnages mal écrits, mal dessinés, totalement creux.
    C'est particulièrement honteux concernant les enfants.
    Francis Renaud est parfait mais on le plaint tant son personnage est mal écrit. Sa révélation concernant "le monstre" à la fin prête vraiment à se marrer, notamment.
    Seul le pré-générique (et le travail des décorateurs) trouve grâce à mes yeux et je trouve dommage que tu parles "d'hystérie" concernant Béatrice Dalle qui est la seule qui réussisse en une poignée de plan poignants à faire exister d'une manière vraiment frappante son personnage dont on ne sait rien et dont on ne saura pas plus que ce qu'on voit.
    Son interprétation à elle seule frappe par la puissance et la tension qu'elle offre au film.
    C'est elle qui dégoupille la grenade...
    Et qui place la barre très haute.
    Et puis c'est le drame... Le reste ne cesse de faire plouf...

    On peut toujours râler sur le fait que le film n'ait pas eu la chance d'une exposition suffisante en salle... Mais si on se posait avec honnêteté la question, on peut penser que les exploitants ne voyaient aucun potentiel au film, et le film ne cesse de leur donner franchement raison.
    Tu le sais, je suis et j'ai toujours été un ardent défenseur du ciné de genre à la française...
    Mais ici, le duo de cinéaste ne fait que citer - au mieux - voir de singer -le plus souvent - des tas de références américaines, jusqu'à l'indigestion totale.
    Jusqu'à en devenir vraiment antipathique et vain.
    Si c'est ça le fer de lance du cinéma d'horreur français, alors je n'achète pas.
    J'avais détesté A l'intérieur, mais je lui reconnaissait au moins de belles qualités de mise en scène et une volonté gorissime plutôt culottée,malgré d'évident problèmes d'écriture, déjà...
    J'avais beaucoup aimé Livide, pour son ambition, ses références plus discrètes et digérées et en dépit des faiblesses (ENCORE !) de dialogues.
    Mais là, vraiment, on est pas loin du foutage de gueule...
    Sans la force sidérante de Béatrice Dalle et la grande conviction de Francis Renaud, ce film ne serait pas autre chose qu'un navet...
    Il serait VRAIMENT plus que temps que Maury,Bustillo et Métaluna Prod arrête d'user des difficultés à produire ce métrage couteux et de la mauvaise exposition de leur film en salle pour regarder la réalité en face.
    Ils sont incapables d'écrire un scénario, se foutent de leur personnages et sont les pires dialoguistes au monde.
    Ils ne cessent de jouer la connivence geek référentielle avec le spectateur, ce qui devient désormais aussi irritant que ridicule.
    Ils devraient se contenter de ce qu'ils savent faire:réaliser.
    Et laisser le travail d'écriture à d'autres plus doués et talentueux.
    Ce qui est excusable sur un premier film, avec lequel on peut toujours être indulgent sur le deuxième, surtout parce que la mise en scène y était encore affirmée est ici dorénavant absolument rédhibitoire.
    Aux yeux des vivants et mal écrit mais aussi mal filmé, mal monté, bref, totalement mal foutu et juste porté à bout de bras par des comédiens vraiment engagés dans le projet.

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    1. Et bien, on peut dire que la déception est à la hauteur de ta virulence face au film. La plupart de tes reproches sont justifiés, en effet. Après à chacun de jauger dans quelles proportions les défauts évoqués, et visibles comme une pustule au milieu du nez, sont rédhibitoires. Comme tu le sais le but de ce site est rarement de démonter les films, les critiques professionnels et certains sites spécialisés le font à merveille. Il y a toujours des choses à sauver, comme l'a toujours revendiqué un certain Dario Argento, et avec lequel je suis plutôt d'accord. Le film est décevant au vu de ses promesses mais je préfère laisser le spectateur en juger sur pièce... Pour ma part le film n'est pas un navet, mais demeure très moyen au vu de ses faiblesses, (tu as surement lu l'avis du site). Il obtient tout de même un 3/5 d'encouragements, parce que malgré la déception, l'intention était là, et j'espère encore que les défauts du film soient enfin gommés lors d'un prochain projet, s'il y a et que l'on ne peut que souhaiter. Concernant les problèmes de distribution, que le film soit bon ou pas, je considère que c'est au public d'en juger et pas aux programmateurs qui ont par le passé restreint la visibilité d'autres films loin d'être honteux tels Insensibles ou le remake d'Evil Dead et nous assomment à longueur d'année avec des films aseptisés, aux prises de risque quasi inexistantes. Ceci dit, merci pour ton intervention argumentée et empreinte d'une amertume bien légitime.
      N.T.

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  2. Certes, pas un navet mais juste sauvé par son casting...
    Et au troisième film, on ne peut plus juste être indulgent quand aux intentions.
    Ils savent ce qu'ils font, désormais et ils le font mal.
    A l'époque,même les plus fans du film avaient pointé les faiblesses d'écriture de A L'intérieur...
    Idem pour Livide...
    Là, il serait largement temps qu'ils se sortent les doigts du c*l pour trouver un bon scénariste et surtout un bon dialoguiste.
    Et se mettre à aimer leur personnages,un minimum, pour les servir et ne plus juste "s'en servir" ;)

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