MALASAÑA 32 (2020/2021 - VOD) d'Albert Pintó [Critique]

Évaluation du dossier : 3/5 []


Dans l’Espagne des années 70, une famille délaisse son existence rurale pour s’installer au 3e étage d’un immeuble dans un quartier de la capitale. Manque de bol, une sale présence maléfique squatte déjà l’appart et ne semble pas prête à se laisser importuner impunément.

Malasaña 32 vient gonfler le flot décidément intarissable du cinéma d’horreur espagnol en vogue depuis deux décennies. Malgré des qualités, cette énième histoire de fantôme risque fort de ne pas marquer beaucoup les esprits.


Madrid au mitan des années 70, un immeuble s’impose, massif et inébranlable, face à la caméra qui avance à sa rencontre. On franchit l’entrée. L’ambiance est pesante, sombre et poussiéreuse. Puis on grimpe lentement les étages, dans un mouvement limpide et imparable, pour finir par atteindre la porte du logement 3B. On ne sait pas encore ce qui se passe derrière. Par contre, on est sûr de ne pas avoir envie d’entrer. À n’en pas douter, en matière d’atmosphère le réalisateur catalan Albert Pintó s’y entend, peut-être inspiré en cela par le lieu réel même de son récit, la rue Manuela Malasaña. Cet actuel quartier madrilène branché fut jadis l’objet de rumeurs et légendes urbaines diverses. C’est dans ce contexte et sous l’impulsion du producteur et scénariste Ramon Campos (Grand Hotel, Velvet, Les demoiselles du téléphone) qu’Albert Pinto tourne Malasaña 32. Il n’en est pas à son coup d’essai. Il a déjà fait ses preuves avec un premier long-métrage, Matar a dios, auréolé d’un prix au festival du film de Catalogne en 2017.


Épaulé par la magie du directeur de la photographie Daniel Sosa Segura, le metteur en scène affirme dès les premières secondes sa volonté de donner corps au bâtiment et à l’appartement, clés de voûte et personnages à part entière de son histoire. On touche là le point fort du film dont l’action se déroule dans ce lieu quasi unique, baigné en continu de noirceur et d’obscurité. Dans ce décor duquel la lumière même parait déjà bannie (ampoules cachectiques, vitres opaques, couloirs étroits), emménagent tant bien que mal les six membres de la famille Jimenez, en proie à l’angoisse de l’abandon de leur ancienne vie paysanne, de l’austérité de leur nouveau foyer et de leur situation financière précaire. Rapidement, d’étranges phénomènes plus ou moins palpables surviennent. Les personnages les plus fragiles en ont la primeur, à savoir le cadet Rafita (Iván Renedo) et le grand-père dit "Pepe" (Sergio Castellanos). Mais la famille tout entière finira par devoir affronter le secret larvé dans ces murs et payer le prix de sa tentative de nouveau départ dans la vie.


Avec un synopsis aussi léger que rebattu, il faut une sacré dose d’inventivité dans l’écriture pour tirer son épingle du jeu. Hélas on est loin du compte. Le scénario est du même bois. Mort ou creux, au choix. Certes, la narration de cette histoire de vengeance ne souffre d’aucune incohérence notoire (abstraction faite de la piteuse explication finale). Ce qui n’est pas négligeable. Mais on trouve là réunis tous les clichés du genre. Le vieux rocking-chair qui grince et se balance tout seul, la bille venue de nulle part qui roule sur le plancher, le vieux portrait encadré bizarre, les portes qui se coincent, le téléphone qui sonne, la télé qui s’allume, les ampoules qui claquent, le handicap physique comme symbole de monstruosité, Rafita qui disparait "façon Poltergeist", etc. Comme l’appartement 3B en question, chaque situation fleure bon le cocktail de renfermé à la naphtaline. Le tout est arrosé de jump scares téléphonés jusqu’à la nausée et servi avec une morale à deux balles, niveau rédaction de 3e.


Malgré tout, et c’est là un paradoxe notable, le film est loin d’être totalement raté. Cette accumulation de réchauffé nous laisse l’opportunité d’apprécier à loisir une bonne performance des comédiens comme l’excellent Javier Botet ([Rec], Ça) en agent immobilier (ainsi que dans un rôle bonus caché), sans oublier, encore une fois et surtout, la mise en scène d’Albert Pintó, toute en fluidité et sobriété, magnifiée par la pénombre de Segura, et qui porte à bout de bras les 90 minutes de Malasaña 32. On espère que pour son prochain film, où il devrait être question d’exorcisme, le réalisateur catalan saura prendre plus de risques et dépasser le stade de pâle copie de bon élève.
M.V.


EN BREF
titre original : Malasaña 32
réalisation : Albert Pintó
scénario : Ramón Campos, Gema R. Neira, David Orea, Salvador S. Molina, Pablo Posada Ávalos
distribution : Begoña Vargas, Iván Marcos, Bea Segura, Sergio Castellanos, José Luis de Madariaga, Iván Renedo, Maria Ballesteros, Javier Botet, Concha Velasco...
photographie : Daniel Sosa Segura
musique : Frank Montasell, Lucas Peire
pays d'origine : Espagne
budget : N.C.
année de production : 2020
date de sortie française : 4 août 2021 (VOD - Canal +)
durée : 104 minutes
adrénomètre : ♥ 
note globale : 3/5

† EXORCISME † 
▲ Mise en scène
▲ Photographie
▲ Décor

- DÉMYSTIFICATION - 
▼ Scénario
▼ Clichés
Jump scares 

LE FLIP 
Récupérer une bille devant l’appartement 3B, 32 rue Malasana, Madrid.

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