CANDYMAN (2021) de Nia DaCosta [Critique]

Évaluation du dossier : 3/5 []


Une décennie après la démolition des dernières tours de Cabrini-Green, l'artiste peintre Anthony McCoy et sa compagne, la galeriste Brianna Cartwright, emménagent dans un loft de luxe de l'ancien quartier reconverti et désormais réservé à de jeunes professionnels et artistes aisés. Mais la carrière d'Anthony semble au point mort, jusqu'à ce qu'il rencontre un ancien de la cité qui lui relate la terrifiante histoire vraie se cachant derrière la légende de "Candyman". Désireux de relancer sa carrière, Anthony commence à utiliser les détails macabres de l'histoire comme éléments d'inspiration. Pris d'une nouvelle énergie créatrice, les œuvres qu'il produit vont rouvrir les plaies d'un passé trouble, menaçant sa santé mentale et déchaînant une violence terrible.



30 ans après le chef-d'œuvre de Bernard Rose, Jordan Peele s'atèle à la production de cette suite non dénuée de saveurs, à la radicalité militante, certes louable, mais parfois un brin gênante.

Près de trente années se sont écoulées depuis la sortie de Candyman de Bernard Rose, chef-d'œuvre de l'horreur urbaine, slasher intelligent qui dénonçait l'oppression raciste dont la communauté afro-américaine fait l'objet. Si le Candyman est de retour pour la troisième fois, c'est à l'image d'Halloween de David Gordon Green, puisqu'il est une suite directe au premier volet. On y évoque en effet une légende urbaine inspirée de la déconvenue d'Helen Lyne qui aura payé le prix fort sa curiosité et de sa naïveté alors qu'elle enquêtait sur la légende de l'homme au crochet.


Cela devient une habitude dans la filmographie de Jordan Peele, la communauté noire prend le pouvoir, même s'il faut, pour cela, tel un rouleau compresseur, tout broyer pour atteindre l'oppresseur. Il est donc clair qu'une fois de plus, le public blanc va en prendre pour son grade. Au-delà de ce discours clivant, on peut se dire que cela est de bonne guerre et qu'il demeure intéressant de mettre le spectateur du côté de l'opprimé, victime de xénophobie. Cependant, cette suite, en voulant surfer sur l'affaire George Floyd et les problèmes de racisme qui rongent les États-Unis, manque clairement de subtilité. En mettant un peu tout le monde dans le même panier, elle finit par rejoindre cette fameuse culture "woke" et son raz-de-marée de bien-pensance communautariste porte-étendard, notamment, de la cancel culture ou encore de l'abominable écriture inclusive, et se tire une balle dans le pied, ne parvenant pas à éviter l'écueil de la caricature. Donc, attendez-vous à voir des méchants flics blancs, des blancs pas flics mais souvent représentés comme des grosses têtes de nœuds ou faisant office de chair à canon pour le Candyman. Dommage, à intentions égales, on préfèrera l'œuvre séminale qui réussissait à dénoncer l'injustice et le racisme dont faisait l'objet les minorités afro-américaines de manière plus subtile et parvenait à convaincre sans passer par une radicalité ici contre-productive, voire dangereuse.


S'il peut parfois sembler trop bavard, n'oublions pas que le Candyman de Bernard Rose se distinguait déjà du slasher pur et dur et prenait son temps pour installer ses enjeux et développer son récit. Nia DaCosta excelle à mettre en scène son monstre, fruit d'une ségrégation nauséabonde et créé des atmosphères intéressantes, aidée en cela par son chef opérateur John Guleserian (L'Épreuve du feu) et  ses personnages qui évoluent dans le monde de l'art contemporain. De son côté, le casting fait le travail, avec Yahya Abdul-Mateen II (Us, Matrix Resurrections) à l'aise dans son rôle d'artiste incompris, torturé et hanté par le Candyman et qui fait vivre un véritable enfer à sa compagne, interprétée par Teyonah Parris, qui ne sait plus vraiment quoi penser de lui. On apprécie aussi le retour de Vanessa Williams dans le rôle d'Anne-Marie McCoy mère du bébé sauvé par Helen dans le film original, jouée par Virginia Madsen, elle n'est pas oubliée non plus dans cette suite, ni Tony Todd ou encore Clive Barker, au détour d'un bref clin-œil littéraire.


Loin d'être mauvais, Candyman est traversé d'excellentes idées cinématographiques notamment un meurtre dans un immeuble, filmé à distance en extérieur, au travers d'une baie vitrée et la plupart des choix esthétiques apportent une plus-value non négligeable à l'ensemble. Mais cette suite pèche trop souvent par manque d'équilibre. On regrette des choses pas toujours originales comme le théâtre d'ombre aujourd'hui servi à toutes les sauces, ou peu ambitieuses puisque de nombreuses mises à mort, pourtant prometteuses sur le papier, se produisent hors champ, atténuant sa charge horrifique percutante et reléguant ce retour à une vulgaire diatribe moralisatrice, en lieu et place d'un film d'horreur qui aurait pu évoquer son sujet avec un peu plus d'efficience, à l'image de son modèle.
N.F.T.


EN BREF 
titre original : Candyman
réalisation : Nia DaCosta
scénario : Jordan Peele, Win Rosenfeld, Nia DaCosta
distribution : Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett...
photographie : John Guleserian
musique : Robert Aiki Aubrey Lowe
pays d'origine : États-Unis / Canada / Australie
budget : 25 000 000 $
année de production : 2021
date de sortie française : 29 septembre 2021
durée : 91 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 3/5

† EXORCISME † 
▲ De bonnes idées de meurtres
▲ Discours en phase avec l'actualité
▲ Photographie

- DÉMYSTIFICATION - 
▼ Problèmes de rythme
▼ Scène des toilettes sous exploitée
▼ Un poil raciste du coup ou pas ?

LE FLIP 
Un meurtre sanglant vu au travers de la baie vitrée d'un immeuble...

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