Cecilia Kass est en couple avec un brillant et riche scientifique. Ne supportant plus son comportement violent et tyrannique, elle prend la fuite une nuit et se réfugie auprès de sa sœur, leur ami d'enfance et sa fille adolescente. Mais quand l'homme se suicide en laissant à Cecilia une part importante de son immense fortune, celle-ci commence à se demander s'il est réellement mort. Tandis qu'une série de coïncidences inquiétantes menace la vie des êtres qu'elle aime, Cecilia cherche désespérément à prouver qu'elle est traquée par un homme que nul ne peut voir. Peu à peu, elle a le sentiment que sa raison vacille…
Première grosse claque de ce début d'année 2020, Invisible Man vient remettre au goût du jour l'un des célèbres monstres Universal, sous la baguette inspirée du scénariste et réalisateur Leigh Whannell.
Invisible Man débarque en salle avec la lourde tâche de rectifier le tir après un reboot de La Momie tout sauf convaincant. Un semi-fiasco d'autant plus dommageable qu'il annihilait tout espoir de voir un jour se développer le fameux Dark Universe imaginé par le studio Universal. La politique a depuis changé. Exit l'univers cinématographique partagé, ce sont désormais les réalisateurs qui sont au centre du projet, libres de tout mouvement, le budget venant ensuite. Leigh Whannell scénariste inspiré et réalisateur efficace que l'on ne présente plus (Saw, Insidious, Upgrade...) inaugure cette nouvelle ligne de conduite et propose avec la relecture du mythe de L'Homme invisible une œuvre forte, intense et extrême.
Du classique de James Whale sorti en 1933, lui-même adapté du roman d'H.G. Wells de 1897, ne subsiste que la pathologie meurtrière qu’entraîne ce pouvoir enivrant sur des êtres déjà un peu perturbés à la base. Un changement de taille se situe au niveau du point de vue puisque Invisible Man s'intéresse moins au prédateur (incarnation du stress post-traumatique des victimes des pervers narcissiques) qu'à sa victime, Cecilia Kass, qui peine à se remettre d'une relation toxique avec un homme a priori violent qu'elle vient de quitter. L'ouverture du film, tendue comme un string, s'attarde sur ce départ qui relève davantage de l'évasion que du drame romantique. Le spectateur est plongé directement dans le vif du sujet et comprend très vite l'approche de Leigh Whannell qui associe son sujet à celui très actuel de la violence faite aux femmes. De manière intelligente, il confronte le public à l’ambiguïté de la parole, seul élément auquel ce dernier pourra se raccrocher pour évaluer en son âme et conscience la justification ou non de la dernière partie du film. [SPOIL] Et justement c'est à ce moment que l'ensemble peut, selon les sensibilités, soit glisser dans le vigilante movie joyeusement facho où l'héroïne s'est laissé dévorer par les traumas de sa mauvaise expérience conjugale, soit s'orienter vers une réponse mûrie et salvatrice à un problème réel et insoluble sans intervention extrême [fin de SPOIL]. Bon, dans la mesure où le résultat est le même, la voie que vous aurez suivie importe peu, mais il est intéressant de voir comment un réalisateur choisit sa route, aussi "neutre" souhaite-t-il apparaître, en s'assurant d'avoir laissé suffisamment de portes ouvertes (ou de trous scénaristiques, c'est selon !) pour susciter les interprétations.
Tout l'art de Whannell sur ce projet aussi intense qu'extrême, consiste à parvenir à atteindre des pics de tension en filmant l'invisible, un vide apparemment banal mais sur lequel vont s'imprimer les fantasmes de l'héroïne et du spectateur jusqu'à l'apparition inévitable du monstre, particulièrement vicieux et violent. La mise en scène dynamique du réalisateur offre de belles séquences de cinéma parfaitement chorégraphiées, notamment lors d'une remarquable séquence de massacre dans les couloirs d'un hôpital psychiatrique où la caméra virevolte en harmonie avec les mouvements du tueur.
Une autre explication à la puissance de frappe d'Invisible Man tient dans son casting et notamment dans l'interprétation précise et bouleversante d'Elisabeth Moss (Us). Elle cultive ici une authenticité qui dénote avec les héroïnes que le cinéma ne peut s'empêcher de transformer en machines à tuer, option bombasse. Ici, le corps est las, les traits sont tirés, le moral est saccagé par la maltraitance physique et psychologique. À ses côtés, on trouve la frangine bienveillante, interprétée par Harriet Dyer (Killing Ground), le pote de flic et sa fille respectivement joués par Aldis Hodge (Die Hard : Belle journée pour mourir) et Storm Reid (Un raccourci dans le temps) ou encore l'avocat et frère de l'impitoyable Adrian Griffin, Michael Dorman (Triangle). Sans oublier Oliver Jackson-Cohen (The Haunting of Hill House) qui hérite du rôle-titre et enfile le costume réaliste (et même scientifiquement concevable d'ici quelques années) de l'homme invisible.
Alors certes, on peut reprocher quelques légèretés scénaristiques, comme la multiplication d'occasions pour l'héroïne de recueillir des preuves de l'existence de son agresseur, mais le propos du film ne se situe définitivement pas dans ces petits détails scénaristiques mais plutôt dans le discours radical sur le harcèlement. Il est aussi la preuve qu'on peut faire des films intenses, flippants, intelligents et élaborés tant sur le fond que sur la forme avec des budgets modestes (7 millions ici contre 125 millions pour La Momie en 2017). L'arrivée de Whannell à un tel stade de sa carrière n'a rien du hasard, ni sa capacité, en un film, à remettre les monstres Universal sur les rails, nous offrant dans la foulée, de quoi patienter en attendant La Fiancée de Frankenstein avec Javier Bardem qui, bien que reporté, est plus que jamais à l'ordre du jour.
N.F.T.
N.F.T.
EN BREF
titre original : The Invisible Man
distribution : Elisabeth Moss, Oliver Jackson-Cohen, Harriet Dyer, Aldis Hodge...
pays d'origine : Australie / États-Unis / Canada / Royaume-Uni
budget : 7 000 000 $
année de production : 2020
date de sortie française : 26 février 2020
durée : 124 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4.5/5
† EXORCISME †
▲ Réalisation et scénario inspirés
▲ Approche originale
▲ Elisabeth Moss
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Un peu long
▼ Fin ambiguë
▼Quelques "trous" scénaristiques
LE FLIP
Un peu de peinture pour dévoiler l'inimaginable...
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