NO DORMIRÁS (2018) de Gustavo Hernández [Critique]

Évaluation du dossier : 3/5 []

1984. Dans un hôpital psychiatrique abandonné, une compagnie théâtrale dirigée par Alma, expérimente une technique extrême de jeu. En privant ses comédiens de sommeil, Alma prétend les préparer à donner le meilleur d’eux-mêmes. Au fur et à mesure des jours d’insomnie, les acteurs ressentent des choses de plus en plus étranges… Bianca, jeune actrice en compétition pour le rôle principal, tente de percer les secrets de cet étrange endroit et devient bientôt l’objet de forces inconnues.

À l'origine de The Silent House, film concept décevant tourné en un unique (faux)plan séquence, Gustavo Hernández revient avec l'histoire d'une troupe de comédiens new-age, à la recherche de sensations nouvelles procurées par l'absence de sommeil.

Gustavo Hernández semble apprécier offrir des concepts enthousiasmants, mais il n'a jamais vraiment réussi à les exploiter efficacement. Trop enfermé dans sa vision, manque de moyens ou manque de travail et d'approfondissement... difficile de connaître la raison de ces actes manqués. Avec No Dormirás, l'histoire de La Casa Muda a bien failli se répéter tant le réalisateur uruguayen exploite son concept maladroitement. On marche cependant sur des œufs en s'attaquant à ce type d'œuvres au pitch – enfin – original dans le monde bien balisé de l'épouvante. Mais comme s'il craignait de donner la sensation d'un récit au vide abyssale, Gustavo Hernández livre une intrigue complexe et lente dans sa construction, au point que l'ensemble peine à maintenir le spectateur éveillé jusqu'à sa dernière bobine. Presque dommage tant les choses y deviennent captivantes et commencent à sérieusement remuer.


Avant cela, on ère tels des fantômes un peu hébétés entre les murs de l'imposante bâtisse aux côtés de Bianca, interprétée par Eva De Dominici (Sangre Blanca), jeune actrice ambitieuse et prometteuse, qui accepte de se prêter à cette expérience de privation de sommeil pour atteindre un état secondaire où s'entremêlent réalité et phases hallucinatoires. En compétition avec son amie Cecilia qu'incarne Natalia de Molina (Los del Túnel), la jeune femme est poussée à donner le meilleur d'elle-même sous la direction d'Alma jouée par Bélen Rueda (Les Yeux de Julia, L'Orphelinat). La metteuse en scène autoritaire et jusqu'au-boutiste va pousser ses comédiens à aller bien au-delà de leur zone de confort. Gustavo Hernández interrogeant au travers de ce personnage mystérieux et dangereux, les limites de l'art et les sacrifices que doit faire l'artiste afin de réaliser une œuvre aboutie et parfaite.


Si les réelles intentions de l'auteur peuvent paraître floues, il convient sans doute de replacer le film dans son contexte, les années 80, une période répressive en Uruguay où la dictature étouffait toute tentative de contestation dans le sang. Les artistes n'étaient alors pas épargnés et les hôpitaux psychiatriques, notamment, servaient de lieux de torture, dont l'une des plus célèbres était... la privation de sommeil. Un lourd passé historique qui, effectivement, apporte du relief au propos mais dont la portée métaphorique n'est malheureusement pas suffisamment exploitée, voire opaque pour  ceux qui ne connaissent pas l'histoire de l'Uruguay.


Sans être non plus un ratage puisqu'il offre quelques séquences dramatiques et de terreur plutôt réussies, un casting solide avec les performances brillantes qui en découlent et un concept enthousiasmant, No Dormirás déçoit un peu. La faute à un contexte mal dessiné, des intentions floues et un récit hermétique et nébuleux qui devient forcément moins passionnant lorsqu'il s'éloigne de son sujet principal. Demeure cependant une œuvre dense et ambitieuse qui a le mérite de sortir des sentiers balisés de l'épouvante contemporaine, bien trop souvent prémâchée. Pour cela, il mérite bien un visionnage.
N.F.T.



EN BREF
titre original : No Dormirás
distribution : Belén Rueda, Eva De Dominici, Natalia de MolinaGermán Palacios, Eugenia Tobal...
pays d'origine : Espagne / Argentine / Uruguay
budget : 9 900 000 $
année de production : 2018
date de sortie française : 16 mai 2018
durée : 106 minutes
adrénomètre : 
note globale : 3/5

† EXORCISME †
▲ Concept de base enthousiasmant
▲ Casting solide
▲ Les hallucinations

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Intentions floues
▼ Contexte mal dessiné
▼ Récit parfois nébuleux

LE FLIP
Du mouvement de l'autre côté du rideau de la baignoire...

LIRE AUSSI
Les Griffes de la nuit
The Nightmare
L'Expérience Interdite



Commentaires

En cours de lecture