JURASSIC WORLD: FALLEN KINGDOM 3D (2018) de Juan Antonio Bayona [Critique]

Évaluation du dossier : 4/5 [♥]

Cela fait maintenant trois ans que les dinosaures se sont échappés de leurs enclos et ont détruit le parc à thème et complexe de luxe Jurassic World. Isla Nublar a été abandonnée par les humains alors que les dinosaures survivants sont livrés à eux-mêmes dans la jungle. Lorsque le volcan inactif de l'île commence à rugir, Owen et Claire s’organisent pour sauver les dinosaures restants de l’extinction. Owen se fait un devoir de retrouver Blue, son principal raptor qui a disparu dans la nature, alors que Claire, qui a maintenant un véritable respect pour ces créatures, s’en fait une mission. Arrivant sur l'île instable alors que la lave commence à pleuvoir, leur expédition prend une tournure inattendue qui pourrait ramener toute notre planète à un ordre périlleux jamais vu depuis la préhistoire.


Jurassic World n'ayant pas laissé un souvenir de cinéma impérissable, l'inévitable mise en chantier d'une suite avait tout, sinon de la provocation, au moins du projet à l'intérêt limité. Mais c'était avant que Juan Antonio Bayona ne pose ses valises à Hollywood...


On ne peut pas dire en effet que la troisième suite de l'indétrônable Jurassic Park nous avait emballé. En livrant une œuvre dépourvue d'originalité, sans âme, ni tout ce qui faisait la saveur du film matriciel, le nouveau venu Colin Trevorrow était loin de faire l'unanimité. Ses admirateurs seront par ailleurs ravis d'apprendre qu'il a quitté Star Wars IX, laissant son fauteuil de réalisateur à J.J. Abrams, pour hériter de celui de Jurassic World 3. Espérons qu'il aura d'ici là appris de ses erreurs. Sur Jurassic World: Fallen Kingdom où il occupe outre le poste de producteur exécutif, celui de coscénariste, ce n'est visiblement pas le cas. Des personnages sont peu (la jeune Maisie, dont on en saura probablement plus au prochain volet, ou encore Franklin, le jeune scientifique chargé d'assurer le quota comédie) ou mal (l'imbécile collectionneur compulsif de dents de dinosaure) développés, ce qui renforce l'impression de creux à ce niveau. Et que dire de cette mode des séquences post-génériques jusqu'aux limites du ridicule, puisque la scène en question, d'une poignée de secondes, aurait très bien pu être intégrée au film. La salle étant déjà complètement vide lors de sa projection, il y a de quoi douter de la pertinence du procédé...


Loin d'atteindre l'intégrité artistique et l'audace qui font souvent défaut au système hollywoodien actuel, il est vrai que l'argument ultime qui donnait un peu de légitimité au retour de cette franchise est l'arrivée sur le projet de Juan Antonio Bayona, brillant réalisateur de L'Orphelinat, The Impossible et Quelques minutes après minuit. Aux côtés de Steven Spielberg et Colin Trevorrow, il développe un nouvel angle dans la saga : l'empathie. Celle des monstres, créant un solide pont avec l'homme et, par ricochet, celle de la société humaine qui s'interroge sur sa responsabilité dans l'inévitable extinction de ces espèces ressuscitées, entraînant dès lors un juste débat philosophique. Alors qu'au vu des œuvres précédentes, il est évident qu'ils représentent un vrai danger pour la survie de l'humanité, Bayona parvient ici à nous faire avaler que les personnages ont un réel doute quant à la survie ou non de la bande de dinos. Certes, on sait que le metteur en scène espagnol, proche de Guillermo del Toro, est dans son domaine de prédilection lorsqu'il s'agit de naviguer à la frontière du pathos, mais réussir ce tour de force a de quoi susciter le respect, notamment lors d'une scène emblématique, bouleversante, pendant laquelle Isla Nublar subit une éruption volcanique dévastatrice.


Son savoir-faire ne s'arrête pas là puisque le cinéaste, mêlant allègrement film d'aventure et de terreur, sans mettre de côté l'humour, intègre quelques références aux premiers volets de la saga et offre une mise en scène pertinente, comme on en voit rarement sur des productions de ce calibre. Le spectacle est donc total, généreux, immersif et anxiogène, surtout dans sa partie en huis clos dans le manoir, ce qui est la condition sine qua non pour faire oublier une histoire qui semble se répéter à l'infini (mais ne s'agit-il pas là du leitmotiv de l'humanité ?), à base de riches mégalos symboles d'un ultra capitalisme destructeur et de scientifiques naïfs qui se prennent pour Dieu et doivent en payer les conséquences.

Au casting, au vu des moyens engagés, on ne constate aucune véritable faute de goût. On retrouve le duo Chris Pratt (Les Gardiens de la galaxie, Her) dans le rôle d'Owen Grady et Bryce Dallas Howard (Le Village, Spider-man 3) dans celui de Claire Dearing, deux survivants aux caractères bien trempés que la vie réunit de nouveau malgré leur séparation pour des raisons opaques qu'ils semblent eux-mêmes ne pas assumer. Toby Jones (The Mist, Captain America) est également de la partie, ici en trafiquant de dinosaures, tout comme Jeff Goldblum (La Mouche, Thor Ragnarok) qui revient incarner, trop brièvement cependant, le docteur Ian Malcolm. Ted Levine (Shutter Island, La colline a des yeux) hérite quant à lui du rôle du bad guy, un chasseur fétichiste détestable, mais trop dans le cliché du méchant écervelé. Sans oublier Geraldine Chaplin (Wolfman), une actrice fidèle dans la filmographie de Bayona qui incarne ici la gouvernante de la petite Maisie, incarnée par la jeune débutante Isabella Sermon.


Tendu et intense durant les trois quarts du métrage, Jurassic World: Fallen Kingdom, sous la direction de Juan Antonio Bayona, prend des allures de blockbuster intelligent, où les faiblesses du scénario sont largement compensées par une mise en scène inspirée et des effets spéciaux saisissants, combinant brillamment effets de plateau et  créatures animées en 3D. Coincé dans ce déferlement d'action, au cœur d'un bestiaire des plus réalistes, le public se voit offrir un spectacle digne de ce que le réalisateur espagnol a proposé dans ses précédents métrages, poussant très loin devant ce sens de l'entertainment qui germait en lui. La claque intense et visuelle attendue est donc au rendez-vous et on n'en attendait pas moins.
N.F.T.




EN BREF

3D

titre original : Jurassic World: Fallen Kingdom

distribution : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Jeff Goldblum, Toby Jones, Geraldine Chaplin...

pays d'origine : États-Unis / Espagne

budget : 170 000 000 $
année de production : 2018
date de sortie française : 6 juin 2018
durée : 128 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4/5

† EXORCISME †
▲ Intense
▲ Réalisation inspirée
▲ Mélange effets de plateau et 3D

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Scénario basique
▼ L'insupportable "chasseur de dents"
▼ La scène post-générique mal placée

LE FLIP
Un prélèvement dangereux dans la cage de l'Indoraptor...

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