[Critique] IT COMES AT NIGHT (2017) de Trey Edward Shults

Évaluation du dossier : 4.5/5 [♥]

Alors qu'une menace terrifiante semble peser sur le monde, une famille vit recluse dans une propriété totalement isolée du monde. Parfaitement organisé pour s'éviter toute confrontation directe avec ce mal d'origine inconnue, le fragile équilibre du foyer est bouleversé quand il accueille une autre famille aux abois... 

Avec ce deuxième long-métrage, Trey Edward Shults (Krisha) poursuit son étude de la sphère familiale et fait une incursion remarquable et remarquée dans le fantastique. Il livre en effet un film post-apocalyptique extrêmement bien écrit dont la modestie et l'apparente austérité tranchent net avec l'efficacité du propos et la fascination générale qu'il exerce sur le spectateur.

It Comes at Night prend place dans un monde dévasté par un mystérieux virus dont on nous dévoile peu de chose sur la nature ou sur le mode de transmission. Le réalisateur fait en effet volontairement passer cela au second plan, dans son histoire, mais, plus difficile, aussi dans l'esprit du spectateur. La démarche est pourtant louable : exploiter un flou scénaristique plutôt que de faire dans la redite. Ce qui a pour effet ici de renforcer le sentiment de menace permanent ainsi que l'impact psychologique des séquences les plus intenses, puisque cette "inconnue" s'avère aussi perturbante derrière que devant l'écran.


La force d'un huis-clos comme It Comes at Night est de parvenir à échapper à un autre écueil : ne pas tourner en rond et maintenir l'attention du public du début à la fin. Pour cela, il propose quelques séquences angoissantes, qui se nourrissent de la tension palpable à l'intérieur de cette maison mystérieuse avec ses couloirs sombres et ses boiseries qui craquent et sa porte rouge interdite, ou encore en mettant en image le subconscient surchargé du fiston perturbé de 17 ans. Ce dernier doit faire face à une situation dramatique à l’extérieur mais aussi aux bouleversements, incertitudes, angoisses et autres rites de passage vers l'âge adulte qu'il subit à l'intérieur alors qu'il doute devant l'autorité parentale ou découvre sa sexualité en éveil... La prudence dont fait preuve chaque famille et le lien de confiance fragile participent aussi à la construction d'un malaise crescendo jusqu'à atteindre son apogée – sans doute prévisible dans le fond –  mais qui marque le spectateur au fer rouge, bien après le générique de fin, ce qui fait souvent l'apanage des grands films.



Au service d'un scénario rusé et implacable, le casting ajoute au sentiment de maîtrise qui transpire de l’œuvre. Paul et Sarah, le couple solide et déterminé bien qu'éprouvé et rongé de l"intérieur par ses principes est formé par Joel Edgerton (The Thing, Midnight Special) et Carmen Ejogo (Alien: Covenant, American Nightmare 2 : Anarchy). Kelvin Harrison Jr. (La Stratégie Ender, 12 Years a Slave) interprète quant à lui leur fils de 17 ans, profondément troublé par son environnement extérieur. L'autre famille, sorte de double survivaliste de Paul et Sarah mais diamétralement opposée dans sa perception de la crise, est constitué de Christopher Abbott (A Most Violent Year) dans le rôle de Will, Riley Keough (Mad Max : Fury Road) dans celui de son épouse Kim et Griffin Robert Faulkner, dans celui de leur jeune fils, centre d'une partie des enjeux de l'histoire.

Doucement, séquence après séquence, le réalisateur parvient à créer des ponts entre les personnages, dans leur humanité fragile mais aussi dans leurs difficultés à garantir la sécurité de leurs familles respectives. Le spectateur ne peut que constater impuissant la peur, la méfiance et la paranoïa qui viennent titiller leur instinct de survie, Trey Edwards Shults voilant ici à peine les travers d'une Amérique paranoïaque se sacrifiant elle-même sur l'autel de l'ultra sécuritaire. Il souligne aussi le paradoxe inextricable du risque d'étouffement pour celui qui s'enferme et l'empoisonnement pour celui qui sort, interrogeant dans la foulée les valeurs familiales et l'instinct de survie dans un contexte confus et propice à la psychose.


Que l'on accroche, ou pas, au style ou à l'approche épurée et auteurisante de It Comes at Night, cela ne l'empêchera pas de faire son petit bonhomme de chemin auprès d'une certaine frange de cinéphiles. Parce qu'il est en lice pour devenir, avec le temps, une de ces perles uniques dans leur approche audacieuse du genre. Intelligent, mystérieux, à la réalisation pertinente, au casting bluffant et à la mise en image soignée,  on est de surcroît soufflé par son sens du rythme, duquel s'échappe un sentiment de maîtrise absolue qui explose lors d'une dernière bobine aussi tétanisante que bouleversante.
N.F.T.



EN BREF
titre original : It Comes at Night
distribution : Joel Edgerton, Carmen Ejogo, Kelvin Harrison Jr., Christopher Abbott, Riley Keough...
pays d'origine : États-Unis
budget : 5 000 000 $
année de production : 2017
date de sortie française : 21 juin 2017
durée : 91 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4.5/5

† EXORCISME †
▲ Casting inspiré
▲ Mise en scène impeccable
▲  Scénario ingénieux

- DÉMYSTIFICATION -
▼ Anxiogène mais peu effrayant
▼ Peu d'éléments sur le contexte
▼ Mystérieux au risque d'en devenir frustrant


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