Évaluation du dossier : 4/5 [♠]
Malgré les appréhensions de leur vieil ami Hutch, Rosemary et Guy Woodhouse s'installent dans un immeuble new-yorkais vétuste que la rumeur désigne comme théâtre d'anciens rituels sorciers. Aussitôt, leurs voisins, Minnie et Roman Castevet, vieux couple d'Europe centrale, imposent leur amitié et leurs services. Si Guy accepte facilement ce voisinage envahissant, Rosemary, bientôt enceinte, redoute cette intrusion dans leur vie.
Adapté d'un best-seller de la littérature fantastique écrit par Ira Levin et sorti un an plus tôt, Rosemary's Baby est le premier film hollywoodien de Roman Polanski. Explosant le box-office à l'époque, il allait aussi devenir le fer de lance du thriller satanique, un sous-genre que des œuvres comme L'Exorciste ou encore La Malédiction viendront définitivement propulser quelques années plus tard.
Il semble difficile aujourd'hui de complètement isoler Rosemary's Baby et sa thématique satanico-paranoïaque de la – macabre – fin de la génération "Flower power". Les dernières années du mouvement hippie ayant été marquées par divers évènements tragiques. Le massacre de l'épouse de Roman Polanski par la clique à Charles Manson en 1969 est l'un d'eux. Les meurtriers puisaient alors leur inspiration dans des chansons des Beatles, interprétées de travers. D'ailleurs, John Lennon fera lui aussi les frais d'un tueur illuminé en 1970, juste devant l'immeuble qui sert justement de cadre à Rosemary's Baby. Un contexte postérieur à la sortie du film mais qui nourrit indubitablement une partie de l'aura dérangeante, peut-être parfois un peu excessive, que l’œuvre n'a jamais cessé de véhiculer.
Fort du succès du Bal des Vampires, Roman Polanski, sous l'égide du producteur William Castle (il joue aussi l'homme de la cabine téléphonique) abandonne le charme classique et gothique généreusement inspiré des productions Hammer pour aborder ici le thème de la sorcellerie sous un angle plus contemporain. Une modernité largement étalée dès le générique d'ouverture dont les énormes caractères roses bonbon tranchent avec les accents de contrariété de la lugubre ritournelle enfantine chantée en fond sonore.
Avec Rosemary's Baby, Polanski excelle à construire un climat d'angoisse réaliste en plongeant un personnage ordinaire, une jeune femme face à sa première maternité, dans un environnement instable et perturbant. Il y ajoute quelques petites touches de fantastique, un rituel satanique par-ci, une âme vendue au diable par là pour finalement nous mener tranquillement mais sûrement à la naissance de l'Antéchrist, mais aussi nous asséner une grande assertion existentielle : on ne connaît jamais
complètement les gens qui gravitent autour de nous...
Construit autour d'un casting solide, Rosemary's Baby doit une partie de son succès à l’interprétation irréprochable des deux couples du film. John Cassavetes (Faces, Incubus) crève l'écran et son rôle d'acteur prêt à vendre son âme au diable pour réussir a quelque chose d'ironique lorsque l'on connaît ses choix de carrières, davantage artistiques que commerciaux. De son côté, Mia Farrow excelle dans le rôle de l'épouse ordinaire, réalisant un parfait jeu d’équilibriste entre paranoïa et lucidité. D'abord femme au foyer, presque effacée et un peu gourde, la maternité la mue progressivement en femme forte dont l'instinct de survie, guidé par la volonté viscérale de préserver son enfant, finit par la pousser à s'extraire des griffes de son entourage. Difficile d'oublier cette scène clé lors de laquelle Rosemary, d'aspect cadavérique et vêtue d'une robe rouge qui accentue cruellement la pâleur de son corps, annonce ravie que l'enfant qu'elle porte en elle bouge enfin, face à un mari au comportement erratique. Minnie et Roman Castevet, l'étrange et indiscret vieux couple de voisins est incarné quant à lui par Ruth Gordon (Qu'est-il arrivé au bébé de Rosemary ?, Qu'est-il arrivé à tante Alice ?, Harold et Maude), oscarisée pour ce rôle et Sidney Blackmer (Duel au Soleil, Alfred Hitchcock présente, Au-delà du réel).
Niveau adrénomètre, Polanski réussit à insuffler à son œuvre une tension palpable et crescendo à mesure que la grossesse de Rosemary évolue. La partition de Krzysztof Komeda et ses violons glissants contribuent au malaise ambiant, notamment lorsque la caméra s'attarde sur l'inquiétude grandissante
de Rosemary, illustrant avec maestria jusqu'à sa douleur physique. Cependant, contrairement à Répulsion qui a su conserver une part de sa terreur intrinsèque au fil du temps, Rosemary's Baby pourrait toutefois décevoir les amateurs de trouille ultime.
Ce qui ne l'empêche pas, aujourd'hui encore, d'être considéré comme un film majeur qui allait
apporter sa pierre au huis clos domestique en faisant des émules. Il est amusant de nos jours de lui trouver des ponts avec la mythologie construite par Paranormal Activity, dans un format found footage qui inspirera aussi fortement The Baby un ersatz percutant, bien que d'un intérêt bien moindre que Rosemary's Baby. Bien sûr, d'autres films fantastique auront participé à cet effort de modernisation du mythe satanique tels Angel Heart en 1987 ou plus récemment encore, The Lords of Salem, The Witch ou The Jane Doe Identity.
Du côté de la descendance directe on note qu'Ira Levin allait offrir une suite à son roman en 1997, Le Fils de Rosemary. On y retrouve Rosemary à son réveil, après 27 ans de coma, qui va faire la rencontre de ce fils spécial. Elle n'a cependant aucun lien avec une autre suite, au format téléfilm cette fois, qui sortira plus tôt en 1976. Enfin, la mésaventure de Rosemary fera l'objet d'une mini-série produite en 2014, créée par Scott Abott (La Reine des damnés) et James Wong (Destination Finale) directement inspirée du travail d'Irma Levin.
N.F.T.
EN BREF
titre original : Rosemary's Baby
distribution : Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon, Sidney Blackmer, Maurice Evans, Ralph Bellamy...
pays d'origine : États-Unis
budget : 2 300 000 $
année de production :
1968
date de sortie française :
17 octobre 1968
durée : 137 minutes
adrénomètre : ♠
note globale :
4/5
† EXORCISME †
▲ Mise en scène de la parano
▲ Casting époustouflant
▲ Les "cauchemars"
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Moins effrayant aujourd'hui
▼ Manque de punch
▼ Des longueurs
LE FLIP
Le cauchemar très réaliste de Rosemary...
LIRE AUSSI
Répulsion
The Lords of Salem
The Baby
Un des plus grands films fantastiques de tous les temps... je ne saisis pas ton bémol...
RépondreSupprimerHello Foxart,
RépondreSupprimerTout est expliqué dans l'article. Bien que très abouti techniquement, dans sa gestion de la parano notamment, et malgré un casting aux petits oignons, je trouve qu'il a perdu un peu de punch avec le temps, contrairement à d'autre classiques dont les effets de "peur" ont traversé les années (Les Innocents, La Maison du diable, L'Exorciste...). Cependant ça reste de l'ordre du ressenti et tu as tout à fait le droit de penser qu'il est parfait. De toute manière, Rosemary's Baby est bien évidemment un grand classique à voir !
Merci en tout cas pour ta réaction et n'hésite pas à nous dire pourquoi tu le considères comme l'un des plus grands films fantastique ;)
N.F.T.
Je l´ai vu il y a très longtemps, mais je me rappelle d´un immense ennui... La seul scène qui fait peur aurait pu être à la fin lorsqu´elle regarde le berceau, mais que nenni ... Un film fantastique ? Je ne vois pas la notion de fantastique dans ce film à part ses quelques délires. Un thriller mou sans plus pour moi, et l´âge du film n´a rien à y voir.
RépondreSupprimerC´est 44Philippe44 et tout mes commentaires ultra pertinents ont été supprimés je ne suis point content
SupprimerHello Philippe,
SupprimerVisiblement tu n'as pas aimé le film. Question de goût. Le film est considéré comme fantastique à juste titre, autant pour sa thématique satanique que ses choix de réalisation (musique, mise en scène...). Pour tes commentaires supprimés, tu as du faire une fausse manip' car nous n'avons rien supprimé de notre côté, juré ! ;)
Merci pour ton avis.
N.F.T.
44Philippe44
SupprimerPourquoi la thématique satanique serait considéré comme fantastique ? On peut en débattre par email pour ne pas flooder. Oui je sais ce n´est pas vous qui les avez supprimé volontairement. C´est depuis la nouvelle mise à jour du site, disqus n ´est plus partie des commentaires et je commentais avec disqus. Je les réécrirais pas de soucis ;)