The Secret (2012) de Pascal Laugier

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À Cold Rock, petite ville minière isolée des États-Unis, de nombreux enfants ont disparu au fil des années et n’ont jamais été retrouvés. Chaque habitant semble avoir sa théorie sur le sujet mais pour Julia, infirmière dans cette ville sinistrée, ce ne sont que des légendes urbaines. Une nuit, son fils de 6 ans est enlevé sous ses yeux par un individu mystérieux. Elle se lance à sa poursuite...

Comme cela a été répété partout, il est difficile de parler du dernier film de Pascal Laugier sans en trahir toute sa démarche en trompe-l’œil. Une approche réfléchie et doublement efficace puisqu'au-delà de son intérêt narratif, elle conditionne le spectateur à son étonnante conclusion.
Avec un récit de prime abord glauque et désespéré, le troisième film de Pascal Laugier, après le très cinéphilique Saint Ange et le transgressif Martyrs, où il abordait le thème de la transcendance et de la douleur du quotidien, s'oriente ensuite vers le thriller psychologique, pour en bout de course, donner naissance à un magnifique conte moderne. 


Le réalisateur Pascal Laugier peut se féliciter avec The Secret, titre choisi -et pas si absurde, pour une fois- pour l'exploitation française de non seulement embarquer le spectateur dans son histoire grâce à une mise en image remarquablement soignée, tout comme les décors inspirés de cette ville dépressive piégée au cœur d'une gigantesque et menaçante forêt, mais de réussir en tant qu'auteur, le tour de force, suffisamment rare aujourd'hui pour être souligné, de créer un matériau neuf et passionnant, à partir de situations mystérieuses, tragiques, et du thème tristement universel de la disparition d'enfants. 

Le scénario, la mise en image, mais aussi une brochette de personnages forts, participent à la création de cet univers étrange, parfois proche de Twin Peaks. À l'instar de Martyrs et Saint Ange, The Secret fait la part belle à la gent féminine. Ambivalente, forte, malmenée, encore sacrifiée même... Jessica Biel (Massacre à la tronçonneuse, L’Illusionniste) pour commencer, qui porte, sans plier une seule fois, le film  sur son dos. Combative, elle incarne un personnage paré à l'ultime sacrifice pour ses idéaux et se lance avec détermination aux trousses du Tall Man, dont l'allure et la camionnette ne sont pas sans évoquer Jeepers Creepers. Sans oublier la jeune et mystérieuse Jodelle Ferland (Silent Hill, Le Cas 39, La Cabane dans les Bois), Samantha Ferris, Katherine Ramdeen et chez les hommes, Stephen McHattie (2012, 300, Watchmen) ou encore William B. Davis (Possession, Les Messagers). Des noms certes peu connus du grand public, mais s'il ne joue pas la carte des têtes d'affiches, au moins le film s'offre-t-il un casting d'acteurs talentueux.

Niveau flip, si la tension est palpable et va crescendo -mention spéciale au générique glauque et anxiogène- et malgré quelques timides tentatives, The Secret ne fait quasiment pas bondir de son siège. Par contre on comprend rapidement que là n'est pas non plus son véritable but, s'affirmant davantage en tant que thriller psychologique, captivant et oppressant.


De The Secret et son énergie poisseuse et désespérée, finit par s'élever un sentiment positif, du moins rassurant, et suffisamment bien amené pour pardonner toute l'usine à gaz narrative qui nous mène à la révélation finale. À ce moment les avis se partageront entre altruisme discutable ou simple sortie de secours scénaristique pour ne pas céder à la facilité et tomber dans le glauque inhérent à ce thème.


La fin justifie les moyens

S'exposant par sa complexité à une incompréhension thématique, si ce n'est pas carrément du film -il suffit de parcourir sur internet les commentaires de spectateurs qui avouent ne pas avoir compris la fin- le métrage de Pascal Laugier a le mérite de naviguer dans des eaux peu exploitées par le cinéma, à l'exception de pépites bouleversantes comme L'échange ou Mystic River. Mais là encore, c'est dans une direction inexplorée que se dirige The Secret, vers un chemin épineux aux limites du dérangeant, puisque rassurant... D'autant que le réalisateur interroge une question fondamentale souvent relevée dans le cercle privé, qui naît au détour d'un drame familial virant au fait divers : est-ce que tout le monde a la capacité d'élever un enfant et de lui apporter tout ce dont il aura besoin pour affronter la vie dans de bonnes conditions ? 


Si, évidemment, aucun acte de ce genre ne peut être invoqué au nom du bon développement de l'enfant, Pascal Laugier s'offre un luxe de cinéaste et d'auteur libre, en larguant sa bombe idéologique sur la place publique. Si certain lui reproche, au minimum, une froide neutralité, quand ce n'est pas à l'inverse, la promotion d'une propagande fascisante, sa réponse qui est grosso modo : "Agir tant qu'il n'est pas trop tard !", n'est en réalité qu'une option parmi d'autres, de surcroît, tout à fait cohérente avec les enjeux du film (beaucoup trop de spectateurs médusés semblent oublier qu'il s'agit d'une œuvre de fiction !). Évidemment on pourra toujours regretter l'opposition, stéréotypée, quasi manichéenne et assez maladroite, des riches et des pauvres, mais en y apportant sa propre faculté de discernement, l'idée est là. Pour un cinéma radical, certes, mais qui fait réfléchir et vous retourne... Un cinéma qui donne envie d'aller au cinéma, en somme !
N.T.

En bref : 
titre original : The Tall Man
pays d'origine : États-Unis / Canada
budget : 18 000 200 $
année de production : 2012
date de sortie française : 5 septembre 2012
durée : 105 minutes 
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5

Le flip : Une présence dans la maison en pleine nuit...




Commentaires

  1. Hello, merci beaucoup pour cette critique. C'est un film que j'ai adoré ! Pas besoin de "gros flips", mais de plutôt un scénario abouti et tout en finesse et des comédiens convaincants... c'est le cas ici et le film est une réussite. Pascal Laugier est un réalisateur à suivre ;-)

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