L'ENFER DES ZOMBIES (1979/1980) de Lucio Fulci [Critique]

Évaluation du dossier : 3.5/5 []


Un bateau apparemment abandonné dérive dans le port de New York. Les garde-côtes interviennent et se font agresser par une créature monstrueuse qui s'y cachait. Pensant que le voilier est celui de son père disparu, Anne se rend dans les Caraïbes pour le retrouver. Accompagnée par un journaliste, elle débarque sur une île réputée maudite sur laquelle vit le Dr Ménard. D'après lui, depuis quelques temps, les morts reviennent à la vie pour dévorer les vivants.


Première salve d'une série d'œuvres gores qui allaient hisser Lucio Fulci au rang des maîtres de l'horreur, L'Enfer des zombies s'offre un lifting attendu et convainquant en Blu-ray.



Au-delà de son impact durable sur le cinéma d'horreur, L'Enfer des zombies fait figure d'œuvre séminale dans la filmographie de Lucio Fulci puisqu'elle va constituer l'élément déclencheur de la mise en production de son triptyque, officieux, dédié aux "portes de l'enfer" sorti de terre en à peine deux ans. Sur demande du producteur Fabrizio De Angelis, le cinéaste italien accepte de mettre en image le scénario co-écrit par Dardano Sacchetti et son épouse Elisa Briganti, alors seule à être créditée au générique. Le projet est alors déjà bien avancé et le producteur a déjà demandé au scénariste d'ajouter une scène sur le continent américain, histoire de le relier au Zombie de George Romero, laissant ainsi une impression de préquelle lorsque les dernières images du film arrivent. L'objectif mercantile du projet poussant même le producteur Ugo Tucci à changer le titre de travail, Gli Ultimi Zombi, en Zombie sur le sol américain et carrément Zombi 2 en Italie. Une autre époque, une législation italienne peu regardante, l'apogée du cinéma gore font que le projet abouti et près de 40 ans après, fascine toujours autant bien au-delà des cercles d'initiés du cinéma bis.


Pur film d'exploitation des années 70, L'Enfer des zombies, comme il a été intitulé chez nous, bien que prévu comme un film d'horreur exotique, demeure difficile à cantonner à un seul genre. Il mêle sans complexe aventure tropicale, avec son expédition sur les îles caraïbes sur fond de culte vaudou et d'invasion de zombies ; érotisme, d'ailleurs qui a oublié la plongeuse sexy et son maillot de bain réduit à peau de chagrin ? On y trouve également une intrigue proche du polar : l'enquête du journaliste, la mystérieuse disparition du père d'Anne, et même un soupçon de giallo avec l'incontournable scène de douche en prélude à une énucléation particulièrement gratinée. Mis en joue dès les premières images, placé à hauteur du zombie, le spectateur est prévenu : il sera au centre de cette expérience horrifique et pas forcément à la place habituelle et si confortable du héros.




Car bien qu'il s'agisse là d'un produit de commande, Fulci se l'accapare avec brio et y apporte son grain de folie et de génie. Il met en place une véritable esthétique du malaise, dans sa gestion des points de vue, où le spectateur est parfois amené à s'identifier au zombie, ce qui contribue à rendre les scènes d'horreur diurnes aussi glaçantes qu'en nocturne. La démarche excessivement lente des monstres, dont certains ont gardé les yeux fermés, en fait des somnambules macabres dont la sourde détermination fait froid dans le dos. La photo remarquable de Sergio Salvati, directeur photo régulier dans la carrière de Fulci depuis le milieu des années 70, participe aussi à ce malaise, tout comme l'emploi de ce gore décomplexé, très premier degré, avec ces maquillages hyper réalistes signés Giannetto de Rossi (Le Massacre des morts-vivants, Haute-Tension) et Maurizio Trani (Troll 2, La Longue Nuit de l'exorcisme). Enfin, impossible de ne pas évoquer la partition de Fabio Frizzi (Frayeurs, L'Au-delà) et Giorgio Cascio, où les percussions entêtantes répondent aux sonorités plus électroniques et anxiogènes, créant cette atmosphère si particulière, véritable signature du réalisateur transalpin sur ce type de production.


Avec une telle démarche jusqu'au-boutiste dans l'horreur, Fulci joue logiquement des paradoxes : dans la bande originale, lorsqu'une musique légère vient prendre le contre-pied d'un contexte que l'on sait inextricable, mais aussi par le contraste saisissant entre la beauté de l'océan et des îles tropicales et l'ultra-violence dont elle est le théâtre. L'Enfer des zombies offre à ce titre de superbes images aquatiques durant une séquence où, sans trop en dire, Le Grand Bleu rencontre Les Dents de la mer. Sans vraiment donner de réponse définitive sur l'origine du mal, bien que le motif vaudou soit omniprésent, la figure du zombie, aussi ambiguë soit son origine, est surtout là pour faire subir à l'humanité les conséquences de ses péchés. Un véritable enfer sur terre qui va se concrétiser de manière beaucoup moins métaphorique dès le projet suivant, Frayeurs de Lucio Fulci.

Bien sûr, on peut esquisser un sourire amusé devant l'absurdité du comportement de certains personnages que Fulci semble prendre un malin plaisir à dégommer le plus férocement possible, comme pour satisfaire la volonté secrète pour le public de voir ces personnages disparaître. Mais c'est surtout que le cinéaste, soucieux de soumettre le public à une expérience absolue, excelle à dessiner ses séquences en tableaux inspirés, les baignant d'un onirisme macabre où la logique n'a plus sa place. De toute manière, les reproches faits à L'Enfer des zombies ne pèsent pas grand chose face à ses qualités et ne l'empêcheront pas de trouver la voie du succès, notamment au États-unis, ce qui, heureusement, entraînera de nouvelles collaborations entre le maquilleur Giannetto de Rossi et Lucio Fulci. Sorti en mai 2018 en combo Blu-ray et DVD dans une édition mediabook luxueuse chapeautée par l'éditeur Artus Film, L'Enfer des zombies s'offre un lifting nécessaire, au rendu impressionnant, permettant de le (re)découvrir sous un jour nouveau et se rapprocher le plus fidèlement possible de l'œuvre originale. 
N.F.T. 


EN BREF
titre original : Zombi 2
distribution : Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Auretta Gay, Stefania D'Amario...
pays d'origine : Italie
budget : 205 000 €
année de production : 1979
date de sortie française : 13 février 1980 - 2 mai 2018 (Médiabook combo BD/DVD - Artus films)
durée : 91 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 3.5/5


† EXORCISME †
▲ La séquence finale
▲ Musique de Fabio Frizzi
▲ Gore qui tache

- DÉMYSTIFICATION -
▼ SOS V.F.
▼ Le titre original pour le moins équivoque
▼ Réactions (ou non réactions) des personnages peu crédibles



LE FLIP
En pleine nuit, les survivants sont assiégés par les zombies...


LIRE AUSSI
Frayeurs
La Longue nuit de l'exorcisme



Commentaires

En cours de lecture