[Critique] SUSPIRIA (1977) de Dario Argento

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Suzy, une jeune Américaine, débarque à Fribourg pour intégrer une académie de danse prestigieuse. À peine arrivée, l'atmosphère étrange du lieu surprend la jeune fille. Lorsqu'une élève est spectaculairement assassinée, Suzy est sous le choc et bientôt prise de malaises. Le cauchemar empire quand le pianiste aveugle de l'école meurt égorgé par son propre chien.... Suzy apprend que l'académie était autrefois la demeure d'une terrible sorcière surnommée la Mère des Soupirs. Et si l'école était encore sous son emprise ?

Suspiria, est un mot qui évoque immanquablement les débuts chaotiques de votre serviteur dans le fanzinat, voici maintenant une grosse dizaine d'années. Si si, vous savez ce truc de passionnés hyper bordélique (mais qu'est-ce qu'on adorait ça !), qui s'est éteint faute de moyens, alors qu'il était en passe d'être retitré "L'Autre Cinéma"...
Mais loin de nous l'idée de céder aux sirènes de la nostalgie. Nous préférerons nous focaliser sur ce monument dans l'histoire du cinéma d'horreur, doublé d'un film clé dans la carrière de son réalisateur, Dario Argento. Il ne le savait pas encore à l'époque, mais il signait là son ultime chef-d’œuvre, une véritable symphonie du macabre visuelle et sonore, qui étonne toujours autant, même 35 ans après sa sortie. 


Après Les Frissons de l'Angoisse, aussi considéré comme l'un de ses chefs-d’œuvre, Dario Argento s'éloigne du giallo, genre sur lequel il a jusqu'alors bâti sa carrière, pour s'intéresser à la sorcellerie. Il s'agit donc de son premier véritable essai dans le fantastique pur. L'histoire veut que le film n'obtienne qu'un succès d'estime à sa sortie en Italie où le maestro s'est fait un nom avec des films comme Les Frissons de l'Angoisse, ou L'Oiseau au Plumage de Cristal. Mais plus tard, le triomphe sera total en France, et notamment un soir de projection au Grand Rex lors du festival du film fantastique, tétanisant le public à renfort d'images choc et de divers bruitages stéréophoniques. Car pour Argento, alors animé d'une véritable folie créatrice, Suspiria est d'abord l'occasion d'expérimenter de nouvelles manières d'envisager le cadrage, les lumières, le son et la musique. Cette dernière, signée par le groupe fétiche du réalisateur, les cultissimes Goblin, est composée avant et pendant le tournage. Le réalisateur l'utilise même en direct sur le plateau pour la synchroniser avec l'action, le jeu des acteurs et créer une véritable symbiose entre l'image et le son.

La maestria d'Argento, alors au summum de son art, fait de Suspiria une œuvre jusqu’au-boutiste, extravagante et unique, où le cru thématique et graphique côtoie le raffinement d'une mise en image millimétrée. Architecture froide de la ville, pluie battante, forêt glauque, sonorités flippantes, délires, tout crée un climat de malaise, jusqu'au soin apporté à la décoration des intérieurs, de la tapisserie murale au papier peint, en passant par les accessoires... on a rarement vu le baroque se marier avec autant de justesse à l'art déco. Un soucis du détail que l'on retrouve aussi lors des scènes de meurtres véritablement éprouvantes.

Des teintes des costumes à la couleur des décors, en passant par le travail des ombres et lumières, on reste fasciné par ces scènes de nuit où le bleu féérique côtoie le rouge sang. D'ailleurs, clairement inspiré par la mouvance expressionniste, on ne s'étonne qu'à moitié de la texture du sang, qui ressemble davantage à de la peinture qu'à de l'hémoglobine.

 
Dario Argento choisit Jessica Harper pour interpréter Suzy. Il la remarque dans son précédent film, Phantom of the Paradise de Brian De Palma. La directrice de l'école est quant à elle interprétée par Joan Bennett, qui fut un temps l'égérie d'un cinéaste adulé par Argento, Fritz Lang. Daria Nicolodi, alors épouse de Dario Argento (parents d'Asia donc), y tient aussi un petit rôle, elle co-écrit par ailleurs le scénario avec son mari lors d'un voyage en Transylvanie, s'inspirant d'une histoire étrange que lui a raconté sa grand-mère.
 
À noter que les nouvelles technologies numériques et notamment le DVD ont permis de dépoussiérer et d'offrir toute la splendeur méritée à cette œuvre jusqu'ici éditée en vidéo dans un format pan et scan bien repoussant... Du coup justice est rendue au travail sur la photo, les lumières et les couleurs, frisant ici l'extravagance, à la parfaite image du film. Mais aussi au mixage 5.1 d'une bande son aussi mythique (et mystique) que le film.

Suspiria est donc un coup de génie dans la carrière de Dario Argento, une réussite artistique qui le rapproche de l’œuvre du grand Kubrick, mais qu'il ne parviendra malheureusement pas à  renouveler. Et si la critique peut se chamailler sur un gros paquet de films (cela dit, l'inverse serait flippant) force est de constater que ce voyage halluciné au bout de l'horreur s'affirme de manière difficilement discutable comme l'un des moments de grâce du cinéma d'épouvante. 
N.T.

EN BREF
titre original : Suspiria
pays d'origine : Italie
année de production : 1977
date de sortie française : 18 mai 1977
durée : 94 minutes
adrénomètre : ♥♥
note gloable : 5/5


† HANTISE
▲ Chef d'oeuvre
▲ La réalisation
▲ La photographie

-  DÉMYSTIFICATION -
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LE FLIP
Les respirations nocturnes de la mère des soupirs...

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Commentaires

  1. Grosse erreur ! Joan Bennett (et non pas Penet) n'a jamais été l'épouse de Fritz Lang, qui l'a toutefois dirigé dans quatre films, dont l'admirable Le Secret derrière la porte (1948). Elle était au contraire l'épouse de Walter Wanger grand producteur qui a d'ailleurs produit les quatre films de Lang avec sa femme. A noter aussi la présence dans ce film d'Alida Vali, grande actrice italienne qui joue ici une prof sadique, et qui a joué dans le plus beau film d'épouvante français : Les yeux sans visage, de Georges Franju
    Par ailleurs, oui, Suspiria est probablement le chef d'oeuvre d'Argento, sont point d'orgue.

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  2. Oulala ! Effectivement, nous avons eu un gros problème de source sur ce sujet ! Mea culpa... et merci d'avoir pris le temps de venir rétablir la vérité. De notre côté, nous allons essayer de retrouver la source à l'origine de ce tissu d'âneries ;) Merci en tout cas pour ton intervention et cette précision concernant l'un des plus beaux films d'épouvante français, Les Yeux sans Visage. Une référence qui manque cruellement ici. Enfin, pour l'instant...

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