ILS REVIENNENT... (2017/2019) d'Issa López [Critique]

Évaluation du dossier : 4/5 []

Alors que sa mère a disparu, Estrella trouve refuge auprès d’un groupe de quatre garçons orphelins. Effrayée par une présence étrange, la jeune fille commence à douter de ce qui l’entoure...

Plutôt habituée aux comédies, la cinéaste Issa López prend un virage à 180° avec Ils reviennent... Teinté de drame et de fantastique, ce récit brutal, où plane parfois l'ombre de Guillermo del Toro, prend sa source dans les meurtres de masse perpétrés par les cartels de drogue mexicains.

Tout commence avec l'envie de la réalisatrice Issa López de s'attaquer au sujet épineux des cartels de drogue mexicains. Elle envisage alors de remonter jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, quand les États-Unis, cherchant un producteur d'opium pour fournir de la morphine à ses soldats, finissaient par trouver leur bonheur de l'autre côté de la frontière sud. Mais progressivement, l'auteure va délaisser l'aspect historique et générique de son histoire pour se concentrer sur les victimes de ce qui est devenu aujourd'hui un véritable fléau. Un mal tel que l'on dénombre, à ce jour, plusieurs centaines de milliers de morts parmi les trafiquants mais surtout parmi les civils, transformant des quartiers entiers en villes fantômes.



Issa López choisit de se focaliser sur un groupe d'enfants touchés directement par le phénomène et notamment la jeune Estrella. Après une attaque dans son école qui va conduire à sa fermeture jusqu'à nouvel ordre, elle découvre que sa mère a disparu. Au fil des jours, ne la voyant pas revenir, l'enfant affamée, finit par plonger dans la misère et la détresse de la rue où elle fait la connaissance d'un groupe de petits durs à cuire avec lesquels elle va difficilement, mais progressivement, tisser un lien. En parallèle d'un quotidien souvent brutal pour ces enfants, la réalisatrice insuffle de la poésie, se référant constamment aux contes. Elle invoque le fantastique pour préserver chez son héroïne un reste d'enfance et l'aider à surmonter le pire. Elle joue aussi de la métaphore puisque le poids de la disparition de sa mère est comme un fantôme qui poursuit Estrella, tout comme le sang des morts qui s'écoule à proximité des enfants vient rappeler la menace qui pèse sur eux.


À l'écran, le résultat s'avère plutôt convaincant. Cela peut s'expliquer en partie parce que, dans un souci de vérité, le film a été tourné dans l'ordre chronologique et les jeunes acteurs n'avaient connaissance qu'au dernier moment des scènes à tourner, permettant d'assurer un maximum de spontanéité dans leur jeu. Mais pour rendre l’ensemble crédible, il fallait aussi un casting béton. À commencer par celui des enfants, coachés pour l'occasion par Fátima Toledo, une habituée de ce type de mission qui a largement fait ses preuves à de nombreuses occasions depuis Pixote, la loi du plus faible d'Hector Babenco, en passant par Central do Brasil de Walter Salles ou encore La Cité de Dieu de Fernando Meirelles et Kátia Lund. Chez les rares adultes, on relève la présence de Ianis Guerrero (Club de Cuervos) dans le rôle de Caco ou encore celle de Tenoch Huerta, aperçu dans 007 Spectre de Sam Mendes ou encore Sin Nombre de Cary Fukunaga, chargé ici d'incarner l’impitoyable El Chino.


Jonglant avec un véritable savoir-faire entre violence et (rares) moments de sérénité, Issa López se saisit de son sujet et aborde frontalement l'enfance en mode survie face aux agressions extérieures. Sa recherche de réalisme, sans chercher à arrondir les angles, rapproche Ils reviennent... de la Cité de Dieu, la poésie en plus, des Révoltés de l'an 2000, la cruauté enfantine en moins, ou encore de L'Échine du diable avec lequel il partage le sens de la métaphore et un solide contexte historique. On pourra toujours lui trouver quelques défauts, comme sa caractérisation trop juste qui permet d'atteindre difficilement certaines émotions, bien que la discrète partition mélancolique de Vince Pope soit là pour y aider, ou encore son manque d’impact dans les moments d'intensité qui pourraient être bien plus effrayants, l'enthousiasme demeure préservé devant une proposition originale qui sort des sentiers battus. Le fantastique à l'œuvre n'entrave en rien l'impact du réel, intensifié par la caméra à l'épaule, montré dans toute sa triste âpreté. En résulte un film noir et violent qui vous happe pour vous plonger au cœur de l'horreur urbaine de ces villes fantômes aux quartiers ravagés par la barbarie des cartels de drogue mexicains et d'où l'on ne revient pas complètement intact. Sur ce point, le pari d'Issa López est plus que réussi.
N.F.T.



EN BREF
titre original : Vuelven
titre américain : Tigers are not Afraid
distribution : Paola Lara, Juan Ramón López, Nery Arredondo, Tenoch Huerta, Ianis Guerrero...
pays d'origine : Mexique
budget : 1 400 000 $
année de production : 2017
date de sortie française : 24 juillet 2019
durée : 83 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5

 † EXORCISME †
▲ Réalisation inspirée
▲ Scénario original
▲ Musique

 - DÉMYSTIFICATION -
▼ Parfois un peu bancal
▼ Caractérisation des personnages
▼ Peu effrayant malgré les rares tentatives

LE FLIP
Une cachette glauque au milieu d'une fosse commune improvisée...

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