AFFAMÉS (2021) de Scott Cooper [Critique]


Évaluation du dossier : 3.5/5 []

 

Dans une petite ville minière de l’Oregon, une institutrice et son frère policier enquêtent sur un jeune écolier qui montre des signes de maltraitance. Les secrets de ce dernier vont entraîner d’effrayantes conséquences.


Créateur hyperactif, Guillermo del Toro occupe le poste de producteur sur Affamés, drame violent sur la détresse sociale américaine, articulé autour de la légende du monstre anthropophage, le Wendigo.


C'est Scott Cooper qui signe la mise en scène d'Affamés (The Pale Blue Eye, Hostiles, Crazy Heart). Pour cela il s'aide à l'écriture de Henry Chaisson mais surtout de Nick Antosca auteur de la nouvelle ici adaptée, "The Quiet Boy", ainsi que du scénario de La Forêt (décidément, il aime les légendes sylvestres !). Il est également producteur exécutif d'Affamés et de la série Chucky sur Syfy.


Dans cette production Guillermo del Toro, on retrouve un certain goût pour l'onirique, le mystère et surtout pour les films de monstres à "l'ancienne". À ce niveau, l'ombre de Razorback plane parfois, même si, en réalité, il s'agit plutôt ici de mutations, avec une bonne dose de cannibalisme, d'hémoglobine et de surnaturel. Ce dernier étant peut-être la thématique la moins convaincante, l'apogée se situant sans doute dans l'explication maladroite du vieillard amérindien mystérieux et stoïque (Wayne's World parlerait ici du fameux "indien zarbi à moitié à poil" !) qui sort son vieux livre calé à la bonne page pour raconter en deux temps trois mouvements la légende du Wendigo. Du déjà-vu et surtout une impression d'explication précipitée qui aurait gagné à être amenée de manière un peu plus subtile, mais heureusement, qui ne plombe pas, loin de là, les qualités du film.


Au-delà du film de monstre, Affamés flirte aussi avec le film noir, un peu crade certes, puisqu'on y suit aussi une enquête sur des disparitions et des corps retrouvés atrocement mutilés (plat spaghettis bolo à éviter avant le visionnage !) qui vont semer le trouble dans la tête de Paul, interprété par un Jesse Plemons (Breaking Bad, Pentagon Papers) impeccable dans le rôle du shérif désemparé et clairement dépassé par la situation. En parallèle, son institutrice de sœur, Julia, jouée par la non moins convaincante Keri Russell (Dark Skies, La Planète des singes : L'affrontement), entame ses propres investigations autour de Lucas, un gamin rachitique et perturbé (le bluffant Jeremy T. Thomas) dont le comportement asocial, le code vestimentaire négligé et les dessins effrayants, montrent des signes d'une maltraitance qui va finir par faire ressurgir un secret familial monstrueux et les renvoyer à leurs propres démons.


Bien que l'ensemble paraisse assez lent, il est surtout question de bâtir une atmosphère pesante, à la réalité palpable, ce que Scott Cooper parvient à faire parfaitement. Cela est non seulement contrebalancé par de généreuses incursions horrifiques qui montent en puissance au fil du récit, mais cela les rend d'autant plus saisissantes. On note de très bons effets spéciaux, généreux en hémoglobine et autres corps déchiquetés par les grosses quenottes du monstre affamé, conçu par Guy Davis s'inspirant du cerf, roi de nos forêts. L'ensemble peut s'avérer assez effrayant pour le jeune public, justifiant au final une interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement pour certaines scènes graphiquement explicites.


Pour ce qui est de la photographie, si le chef opérateur Florian Hoffmeister (Tatort, Official Secrets) nous gratifie de quelques belles images, l'ensemble est clairement cafardeux et donne parfois l'impression d'être face à un téléfilm (la filmographie du chef opérateur est intéressante et constitue un amusant élément de réponse en soi), mais cela se justifie bien évidemment par le cachet austère, mais surtout désespéré que l'on imagine présent dans la note d'intention et nécessaire pour porter le propos grave du film.


Fable horrifique sur la détresse sociale empreinte d'une poisseuse noirceur tant le réalisateur parvient à l'ancrer à un certain niveau de réalité, Affamés étonne souvent et sait se montrer brillant dans sa démarche sobre, voire naturaliste. On regrettera peut-être un manque d'équilibre, parfois de rythme et surtout, de nouveauté (mais pour ce dernier, cela s'applique au cinéma d'épouvante dans son ensemble). Les ficelles autour de la rhétorique du monstre intrafamilial sont un peu grosses, mais le long-métrage s'avère suffisamment cohérent, oppressant (voire glauque !) et horrifique pour, au final, convaincre et mériter un visionnage.
N.F.T.

EN BREF 
titre original : Antlers
réalisation : Scott Cooper
scénario : Henry Chaisson, Nick Antosca, Scott Cooper
distribution : Keri Russell, Jesse Plemons, Jeremy T. Thomas, Graham Greene, Scott Haze, Rory Cochrane, Amy Madigan, Sawyer Jones, Cody Davis...
photographie : Florian Hoffmeister
musique : Javier Navarrete
pays d'origine : États-Unis / Mexique / Canada
budget : N.C.
année de production : 2021
date de sortie française : 17 novembre 2021
durée : 99 minutes
adrénomètre : ♥ 
note globale : 3.5/5

† EXORCISME † 
▲ Un monstre violent et flippant
▲ Ancré dans un certain niveau de réalisme
▲ Casting

- DÉMYSTIFICATION - 
▼ Le coup du Wendigo qui manque de nuance
▼ Un peu long à se mettre en place
▼ L'allégorie du monstre intrafamilial sans finesse

LE FLIP 
Les violentes attaques de la "bête"...

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