LA NUIT DES MORTS-VIVANTS (1990/1993 - DTV) de Tom Savini [Critique]


Évaluation du dossier : 3.5/5 []

Un phénomène inexpliqué s'abat sur une région des États-Unis : les morts ressuscitent et attaquent les vivants qui meurent... et ressuscitent à leur tour. Une jeune femme, Barbara, et un homme, Ben, se réfugient dans une maison isolée qu'encerclent bientôt les créatures enragées. Commence alors un combat pour leur survie lors d'une longue et sanglante nuit... 

Se lancer dans la relecture d'un monument du cinéma horrifique n'est pas une mince affaire. Bien des années avant la fièvre actuelle du remake, c'est pourtant ce que demanda un jour George Romero à Tom Savini, désireux d'offrir une nouvelle jeunesse à sa culte Nuit des morts-vivants.

Si le chef-d'œuvre du regretté George Romero se veut quasiment indétrônable, c'est qu'il a marqué les esprits et le cinéma à son époque. Il entérinera l'avènement de l'horreur moderne, jusqu'ici fortement ancrée dans le gothique, avec un sens de l'audace réjouissant autant hérité d'Alfred Hitchcock qui avait déjà bien ouvert la brèche en 1960 avec Psychose que du pape du gore, Herschell Gordon Lewis, qui lui, aura une influence évidente sur l'aspect très graphique de son film.


Alors pourquoi se risquer de jeter en pâture une nouvelle version forcément moins bien à une armée de fans prête à en découdre avec ceux qui osent toucher aux symboles d'une époque et de la culture horrifique ? C'est, en réalité, un absurde problème de copyright manquant sur les copies du film de Romero qui est à l'origine du problème, faisant tomber illico La Nuit des morts vivants dans le domaine public, bien avant les 95 années prévues par la loi américaine. La figure du zombie à la Romero pouvant ainsi être copiée sans risque de représailles, on ne peut que constater les conséquences – souvent heureuses – de cette boulette sur le monde de l'horreur, sans parler des éditeurs qui peuvent aussi revendre le film sans demander d'autorisation. L'idée étant d'amortir en partie le manque à gagner de ses créateurs, La Nuit des morts-vivants nouvelle version échoue entre les mains de Tom Savini qui devait être le maquilleur officiel de la version 68, mais était finalement appelé à servir sous les drapeaux, dans l'enfer vietnamien. Après son retour, travaillant à de nombreuses reprises pour George Romero en tant que chef maquilleur sur Zombie, Creepshow ou encore Le Jour des morts-vivants, c'est tout naturellement que le cinéaste demande à son ami, véritable Mozart du maquillage horrifique ultra-réaliste, de porter le projet à l'écran.


Cette version reprend la même structure narrative que le film original, à quelques petites modifications près où les idées nouvelles rejoignent celles mal développées ou carrément abandonnées à l'époque. On retrouve ainsi une cruelle séance de tir par les milices sur des zombies pendus aux arbres, le sort du personnage de Ben subit quant à lui quelques petits réajustements, surtout en fin de métrage, sans oublier Barbara qui passe de victime passive complètement terrorisée en 1968 – Romero n'assumait pas d'avoir eu aussi peu d'égard pour son personnage féminin – à femme combative qui n'a pas peur de porter les armes,  à l'image d'une Sarah Connor et autre Ellen Ripley, très tendances à cette époque. Ces nuances, ajoutées au réalisme des maquillages morbides et bien plus saisissants en couleur, assurés par Everett Burrell et John Vulich (Hellboy, Blade, Le Labyrinthe de Pan), justifient largement cette nouvelle version, même si on y perd en spontanéité, reléguant un peu en arrière-plan l'esthétique documentaire (dû essentiellement au budget rachitique de l'époque) qui faisait le charme et surtout la puissance si réaliste de l'œuvre matricielle.


Parmi les rares ombres au tableau, difficile de passer sous silence la bande originale composée par Paul McCollough (à l'origine du script de The Crazies), dont la première partie, interprétée au synthétiseur s'avère assez pénible à écouter. Les notes aléatoires et crispantes évoquent davantage l'improvisation d'un enfant de 4 ans sur le piano de sa grand-mère qu'une partition de compositeur chevronné. Cela est d'autant plus dommage que ce score hasardeux surligne plus que de raison une situation qui aurait été toute aussi stressante sans musique. Heureusement Paul McCollough se ressaisit à temps et soigne davantage l'habillage sonore pour la suite du métrage, ouf ! Au casting, on retrouve des "tronches" connues du genre, à commencer par Tony Todd qui n'a, cependant, à ce moment, pas encore incarné l'inoubliable Candyman. On croise aussi Tom Towles et Bill Moseley, deux fidèles de Rob Zombie et l'actrice Patricia Tallman (Knightriders, Incidents de parcours) qui incarne une Barbara dont l'évolution est en parfaite contradiction avec le personnage d'origine (merci Alien et Terminator !).


La Nuit des morts-vivants version Savini soigne davantage ses personnages, leur évolution, leur destin, mais aussi ses ambiances, conservant des plages d'intense suspense sans sacrifier non plus la dimension horrifique. S'il est à ce niveau clairement plus sage que l'original – ce qui s'explique en partie par un soudain transfert du projet sous le giron de la Columbia dont les cadres vont rendre le tournage cauchemardesque pour Tom Savini – les effets gores demeurent très réussis. On sent que les maquilleurs cherchent à se rapprocher d'un certain degré de réalisme en matière d'apparence post-mortem et une centaine de figurants sont même inscrits d'office à un stage de deux jours avec un professeur d'art dramatique spécialisé dans le mime, afin d'apprendre à se comporter comme des zombies.

Mois angoissant et moins gore que son modèle, cette nouvelle Nuit des morts-vivants ne s'en sort pas si mal au regard de sa production chaotique. L'atmosphère générale n'en demeure pas moins sinistre et macabre, l'apport de la couleur rend l'ensemble assez perturbant et la conclusion du film rend – un peu – justice à la fin expéditive et cruelle de l'originale. Si le contexte politique est différent et peut-être moins prégnant que dans la version 68, on en retient qu'en situation difficile, il vaut mieux rester soudés. La sortie évènement de ce remake sur support Blu-ray (avec livret et moult bonus) grâce à l'éditeur Sidonis Calysta permet de découvrir enfin le film dans une copie HD soignée, bien que moins lumineuse que l'édition australienne, mettant toutefois en exergue la superbe photographie de Frank Prinzi (Ça tourne à Manhattan) et les effets de maquillages hyper réalistes. Et pour un film de zombies, on n'en attendait pas moins...
N.F.T


EN BREF
titre original : Night of the Living Dead
distribution : Tony Todd, Patricia Tallman, Tom Towles...
 pays d'origine : États-Unis
budget : 4 200 000 $ (2 000 000 $ pour le film)
année de production : 1990
date de sortie française : 7 avril 1993 en VHS - 12 octobre 2019 (Médiabook chez Sidonis Calysta)
durée : 92 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 3.5/5

† EXORCISME †
▲ Maquillages réalistes
▲ Relecture assez fidèle
▲ L'évolution du personnage de Barbara

- DÉMYSTIFICATION -
▼ La musique
▼ Pas aussi intense que l'original
▼ Réalisation assez conventionnelle

LE FLIP
Ils viennent te chercher Barbara !

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