Évaluation du dossier : 4/5 [♥]
Penny Appleby, jeune femme paralysée et condamnée au fauteuil roulant, revient dans sa demeure familiale située sur la Côte d'Azur après la disparition de son père. Accueillie par Jane, sa belle-mère, et épaulée à chaque instant par Bob, le chauffeur de la famille, voici qu'elle commence à avoir d'épouvantables visions : elle se met à voir le cadavre de son père dans différents endroits de la demeure, lequel disparaît aussitôt…
Plutôt familière des univers gothiques, la Hammer montrait avec Hurler de peur qu'elle savait aussi produire des thrillers contemporains particulièrement inspirés et efficaces.
Sorti en 1961, dans le sillon creusé par la tempête Psychose qui posait les premiers jalons du cinéma d'horreur contemporain l'année précédente, Hurler de peur fut, étrangement, un échec commercial en Angleterre et aux États-Unis. Heureusement, la France et la plupart de ses pays frontaliers lui offrirent enfin un accueil plus chaleureux, mais surtout suffisant pour poursuivre la production d'autres thrillers par le studio. Si l'on se félicite que l'honneur soit ainsi sauvé, on peut légitimement s'interroger sur le peu d'égard de nos compatriotes anglophones pour une œuvre qui s'ingénie à ce point à surprendre son public et à l'esthétique des plus réussies.
En effet, la sublime photographie de Douglas Slocombe (Le Bal des vampires, les 3 premiers Indiana Jones) se pare d'un noir et blanc somptueux, renforcé par de superbes contrastes. Difficile de ne pas songer à La Nuit du chasseur, un autre modèle du genre, lors de la scène d'ouverture doucement expressionniste. La mise en scène est inspirée, les mouvements de caméra gracieux, avec de belles ouvertures de séquences, d'élégants plans-séquences et des très gros plans expressifs : tout le langage cinématographique est mobilisé pour raconter l'histoire et nous rappelle combien tout un pan de la grammaire cinématographique est aujourd'hui occulté par des mouvements de caméra artificiels et autres montages épileptiques. Ce retour aux sources ne peut donc que faire du bien et d'ailleurs, avec autant de qualités, on se demande pourquoi son réalisateur, Seth Holt, n'a pas percé. La réponse est simple : sa courte carrière. Sujet à de graves problèmes de santé, il décède à l'âge de 47 ans sur le plateau de La Momie sanglante, qui sera achevé par Michael Carreras.
Scénarisé et produit par Jimmy Sangster à qui l'on doit un grand nombre de classiques de la Hammer de Frankenstein s'est échappé au Cauchemar de Dracula en passant par Paranoïac ou La Malédiction des pharaons, Hurler de peur s'articule autour d'un récit généreux en rebondissements. Il est appréciable de voir à quel point la mécanique est parfaitement huilée en amont, afin de noyer le poisson et surprendre le public de manière crédible et honnête, jusque dans ses derniers instants.
Pas de fausses notes non plus du côté du casting puisque Susan Strasberg (Les Tueurs de l'éclipse, Night Gallery) s'avère touchante dans le rôle de Penny, partagée entre terreur et folie lorsqu'elle croise le cadavre de son père. Ronald Lewis (Les Conspiratrices, Traitement de Choc) incarne avec conviction le rôle du chauffeur de famille très concerné par les accès de terreur de Penny et Ann Todd se montre à la hauteur dans le rôle de la sympathique – mais pas moins inquiétante – belle-mère. On retrouve aussi Christopher Lee (Le Cauchemar de Dracula, Le Seigneur des anneaux), grand fidèle du studio britannique, ici dans le rôle du mystérieux docteur Pierre Gérard. Si l'acteur se contente d'un second rôle, il aurait tout de même déclaré avoir joué dans le meilleur film qu'il ait fait pour la Hammer, avec le meilleur réalisateur, le meilleur casting et la meilleure histoire. Difficile de trouver meilleure publicité pour le film.
Hurler de peur est un petit bijou cinématographique qui ravira les aficionados du thriller. Subtil, sans fioritures, à l'écriture précise, il séduira les cinéphiles à la recherche de rigueur technique et d'atmosphères aux saveurs hitchcockiennes. Avec une filmographie trop courte, Seth Holt offrira toutefois d'autres perles du genre, telles The Nanny, fruit d'une précédente collaboration avec Jimmy Sangster, à découvrir d'urgence pour les amateurs d'ambiances vénéneuses et de faux-semblants. Pour en revenir à Hurler de peur, un remake fut un moment pressenti avec Juan Antonio Bayona (L'Orphelinat) pour Sony Pictures. Depuis, c'est le silence radio. Bien que l'on imagine sans peine le potentiel d'un tel projet entre les mains du réalisateur espagnol, on peut toujours se consoler en dégustant l'original, tel un bon cru millésimé 1961 !
N.F.T.
N.F.T.
EN BREF
titre original : Taste of Fear
titre américain : Scream of Fear
distribution : Susan Strasberg, Ann Todd, Ronald Lewis...
pays d'origine : Royaume-Uni
budget : N.C.
année de production : 1961
date de sortie française : 22 novembre 1961 - 17 septembre 2019 (médiabook ESC distribution)
durée : 78 minutes
adrénomètre : ♥
note globale : 4/5
† EXORCISME †
▲ Réalisation inspirée
▲ Photographie soignée
▲ Scénario surprenant
- DÉMYSTIFICATION -
▼ Courte carrière du réalisateur
▼ ...
▼ ...
LE FLIP
Penny croise le cadavre de son père...
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