[Critique] DARK TOUCH (2013/2014) de Marina de Van

Évaluation du dossier : 4/5 []
Une nuit, dans la campagne profonde, une maison isolée... Meubles et objets se rebellent contre les occupants, laissant Neve, une fillette de onze ans, seule rescapée du massacre sanglant qui a décimé sa famille. Des proches la recueillent et s’efforcent de lui faire surmonter cette épreuve traumatisante en l’entourant d’amour. Mais la violence continue de se manifester et Neve ne parvient pas à retrouver la paix…

Injustement reparti bredouille lors du 21e festival de Gérardmer, Dark Touch avait pourtant un nombre suffisant d'atouts pour coiffer au poteau une bonne partie des films du palmarès.

À l'instar de Mister Babadook, qui, quant à lui, est reparti généreusement auréolé, le troisième long-métrage de la française Marina de Van (Dans ma peau, Ne te retourne pas) s'inscrit dans ce qui semble devenir actuellement l'usage dans le cinéma d'épouvante et qui consiste à privilégier une forme de terreur sourde, laissant l'atmosphère, la mise en scène et les thématiques chatouiller d'elles-mêmes l'adrénomètre. Forcément, sans effets de foire de type "jump scare", on y perd en intensité, ce qui pourrait étonner dans un métrage fortement orienté vers le surnaturel, mais on y gagne en profondeur, si l'on accepte, bien entendu, de se résigner à un thriller paranormal, mâtiné de drame psychologique, plutôt qu'à un "basique" film de trouille.


Ainsi, réduire Dark Touch à un film d'épouvante peu effrayant serait réducteur, tant le soin apporté à sa mise en scène et à son esthétique globale lui confère un cachet unique, fascinant, sombre et froid. Idem côté casting, sans fausse note, la palme revenant aux jeunes acteurs, notamment à l'occasion d'une scène de panique hallucinante dans une cours de récréation, alors que les écoliers finissent par prendre peur face à la jeune Neve, réduite à l'isolement pour unique échappatoire et moyen de protection.

La force du cinéma de Marina de Van, qui mêle ici les codes du film de genre et le ton, plus personnel, du cinéma d'auteur, se situe sans doute dans le traitement frontal de ses thématiques, aussi dérangeantes soient-elles. Cela engendre des scènes qui créent un malaise implacable, autour de la maltraitance infantile. D'ailleurs la réalisatrice et scénariste confie avoir dû s'expatrier après avoir essuyé un refus de la DDASS pour pouvoir tourner cette histoire avec des enfants sur le territoire français.


Un autre point fort réside dans le peu d'intérêt, revendiqué par l'auteur, pour le cinéma d'horreur. En effet, cela lui permet de ne pas céder aux lieux communs ou citations trop appuyées, (sans en dire plus, on songe éventuellement à la structure de Carrie) créant ainsi une œuvre atypique aux ramifications plutôt inattendues, même si les thématiques majoritairement traitées telles l'enfance maltraitée, le deuil ou l'isolement, sont courantes dans ce type de cinéma. 

En revanche, se sera peut-être davantage dans la littérature allemande que l'on puisera une influence assez évidente, via la légende du joueur de flute de Hâmelin. Pour une séquence d'école en nocturne apocalyptique, usant à merveille du pouvoir de la suggestion, et sans doute l'un des moments les plus mémorables du film, pour ne pas dire du cinéma en général.

Unique en son genre, Dark Touch est une véritable réussite, parvenant à marier horreur et film plus personnel, de ceux animés par la recherche d'une certaine vérité. Son univers sombre ne laisse aucune échappatoire au spectateur, condamné à sortir de la projection éprouvé. Une expérience forte en somme qui aurait pu enfin servir d'étincelle à une production française complètement anesthésiée, si on avait laissé le film se faire ici, et aurait trouvé davantage son public s'il avait bénéficié d'une meilleur distribution (moins de 70 salles à sa sortie). La même rengaine en somme...
N.F.T.

EN BREF
titre original : Dark Touch
pays d'origine : France / Irlande / Suède
année de production : 2013
date de sortie française : 19 mars 2014
durée : 90 minutes 
budget : 2 700 000 €
adrénomètre : ♥
note global : 4/5

† HANTISE
▲ Mise en scène soignée
▲ Très bon casting
Le mélange cinéma de genre et d'auteur

-  DÉMYSTIFICATION -
▼ Distribution en salles scandaleuse
▼ Obligation de tourner le film à l'étranger
▼ Davantage un thriller surnaturel qu'un film d'épouvante


LE FLIP
L'attaque nocturne de la famille de Neve...

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Babycall
Carrie


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