[Critique] BABYCALL (2011/2012) de Pål Sletaune

ADRÉNOMÈTRE  ♠ 
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Anna et son fils de 8 ans, Anders, emménagent dans un HLM, à une adresse tenue secrète. Terrifiée à l’idée que son ex-mari violent ne les retrouve, Anna achète un babyphone pour s'assurer qu’Anders est en sécurité pendant son sommeil. Mais d’étranges bruits viennent parasiter le babyphone et Anna croit entendre les cris d’un enfant maltraité...

S'il a été sujet à controverse en obtenant le Grand prix et le prix de la critique lors du festival Fantastic'arts de Gérardmer en 2012, c'est que Babycall déstabilise par son univers fantasmagorique discret, qui ne va pas immédiatement de soi, alors que son pendant "drame social" crève l'écran.
On fait donc face à un film dans la lignée du Dark Water de Nakata, et sa représentation dépressive d'un environnement bétonné, froid et impersonnel, teinté de fantastique et dont le personnage principal doit affronter seul les règles arbitraires (justice, social...) du monde extérieur, ce que l'on retrouve aussi un peu dans Y aura t-il de la Neige à Noël ou encore dans le cinéma des frères Dardenne : des drames sociaux qui s'inscrivent dans une esthétique du réel, voire naturaliste. On retrouve d'ailleurs, dans le film de Pal Sletaune, cette photographie typique de nombreux films venus du froid, à l'image de Morse, qui tendent à s'approcher au plus près et le plus justement possible, de la vie.


Babycall dresse le portrait d'Anna, une jeune femme interprétée par la brillante Noomi Rapace (Millénium, Prometheus), rongée, voire anéantie, par un traumatisme et constamment angoissée à l'idée que son mari ne la retrouve. Une angoisse maladive qui nous renvoie directement au cinéma de Roman Polanski et notamment le personnage interprété par Catherine Deneuve dans Répulsion, en pleine rupture avec le réel. Noomi Rapace tient le film sur ses frêles épaules et incarne avec justesse une femme fragilisée, apeurée, mais déterminée et qui menace de partir en vrille à tout moment. Le spectateur de son côté, assiste, impuissant, à sa lancinante descente aux enfers. Face à elle, on retrouve le non moins convaincant Kristoffer Joner (Dark Woods), un homme solitaire confronté à un choix difficile face à sa mère mourante et à la question du deuil.

Lors de la première heure, l'intrigue tisse progressivement ses enjeux, on découvre alors les craintes, aux limites de la paranoïa de la pauvre Anna, son enquête sur la provenance des étranges cris dans le babyphone et sa tentative de construction d'une relation avec l'homme qui lui a vendu l'appareil. Le film s'oriente ensuite vers quelque chose de plus mystérieux, voire carrément opaque, lorsqu'il s'agit de comprendre les apparitions et disparitions inexplicables du camarade d'Anders qui de son côté, adopte un comportement de plus en plus bizarre, certains lieux semblent également sujets à des modifications inopinées... Flânant à la lisière du fantastique, et du thriller mais sans jamais inspirer un réel sentiment de peur, Babycall offre un dernier petit coup de théâtre final, qui n'entrave en rien le côté fondamentalement fantastique de l’œuvre, tout en confirmant son appartenance à un cinéma en constante recherche d'un ancrage dans le réel. Paradoxal ? C'est en effet un peu dans cet esprit qu'il faut aborder le film pour en saisir et accepter les tenants et aboutissants. 


Doté d'une mise en scène plutôt convenue, se focalisant principalement sur le personnage d'Anna, les choix du réalisateur permettent toutefois d'atteindre un certain réalisme et dégager du film un sentiment de froid, de lourdeur, puis un désespoir sous-jacent, attisé par une véritable dramaturgie du quiproquo. Parfois insaisissable lors d'un premier visionnage, il lie de manière très discrète film d'atmosphère et narration plus conventionnelle et brasse des thématiques comme le drame, la solitude, le deuil, la misère sociale, l'enfance maltraitée, les faisant s'entrecroiser, se confronter et parfois même se contredire. 

Avant d'être un film fantastique, dont l'intrusion ici traduit un déni du réel, Babycall s'assume comme un bon gros psychodrame paranoïaque, qui peut, certes, sembler parfois tiré par les cheveux, mais qui finit par trouver un certain équilibre lors de ses ultimes plans.
N.T.


EN BREF
titre original : Babycall
pays d'origine : Norvège / Allemagne / Suède
année de production : 2011
date de sortie française : 2 mai 2012
durée : 92 minutes 
budget : 4 000 000 $ 
adrénomètre : ♠
note globale : 3.5/5

† HANTISE
▲ Casting
▲ Esthétique naturaliste
▲ Scénario

 -  DÉMYSTIFICATION -
▼ Lent
▼ Un peu tiré par les cheveux
▼Fantastique discret


LE FLIP
En pleine nuit, Anna est réveillée par les cris d'un homme et d'un enfant dans le babyphone.

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Dark Water



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