Rétribution (2006/2007) de Kiyoshi Kurosawa

ADRÉNOMÈTRE  ♡ 
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Le détective Yoshioka enquête sur plusieurs meurtres apparemment liés entre eux. Chaque victime est découverte noyée, le corps rempli d'eau salée. Perturbé par la crise que traverse son couple, Yoshioka découvre sur les lieux des crimes des objets familiers qui le poussent à s'interroger sur sa propre culpabilité. Alors qu'il se résout à solliciter l'aide d'un psychiatre, Yoshioka est hanté par les apparitions d'une femme-fantôme vêtue de rouge qui prétend le connaître...

Yoshioka dans Rétribution nous fait le coup du flic solitaire en quête de sens. Celui de ces meurtres qui s'accumulent, de ces indices qui semblent l'incriminer, de ce fantôme qui le poursuit, ou encore plus globalement à sa vie, alors que son couple n'a plus rien d'une vie à deux "normale".
Son enquête, véritable déclencheur à sa quête personnelle, vire à l'obsession et le renvoi directement à ses propres fantômes, à son passé, à ses doutes et à une quête de rédemption dans un monde sombre et désespéré. 

À la salle de commandement, Kurosawa tire les ficelles de son pantin égaré dont il utilise la culpabilité, individuelle, pour illustrer un sentiment collectif. Car avec Rétribution, il est question de changement et de mutation, mais pas forcément dans le bon sens. Et les témoins silencieux de cette chute à peine perceptible, sont désormais traqués par cet étrange spectre qui semble leur dicter de funestes actes. Un fantôme moins animé d'un sentiment de vengeance envers son bourreau, que d'une jalousie face à ceux qui sont encore là mais se taisent. Comme si les actes du bourreau ne le rendait pas plus redevable que les non-actes de ceux qui préfèrent détourner le regard ou fuir.


Comme d'accoutumée, Kurosawa prend son temps pour poser son histoire, composant une atmosphère inquiétante, voire effrayante, à renfort d'une bande son stressante. Aidé par la musique de Kuniaki Haishima (le flippant Forbidden Siren 2 pour les gamers), animé par un réel souci du cadre et au soin apporté à la lumière, l'auteur parvient à faire jaillir une certaine poésie macabre et fascinante de situations glauques. Cultivant, là est l'une de ses signatures, une imagerie singulière, force est de constater que même les scènes en plein jours titillent l'adrénomètre. La signature Kurosawa en matière de fantômes est toujours très présente, leur donnant un cachet "humain", et très imprégné des figures que nous a offert le cinéma asiatique depuis la fin des années 90, Ring en tête de proue. Passé maître dans l'art de la construction de situations dérangeantes, Kurosawa laisse échapper, à partir de scènes aux limites du contemplatif, un parfum mystérieux, morbide, qui a tendance à mettre le spectateur sur la défensive. La suggestion y tient toujours un rôle prépondérant et l'on se surprend parfois à flipper alors que l'un des personnages hurle de terreur face à ce qu'il est vraisemblablement le seul à voir. Rétribution est ainsi à rapprocher de Kairo, une autre de ses réussites en matière d'histoires de fantômes, une comparaison principalement motivée par ses apparitions spectrales, son ambiance, le traitement du thème de la solitude et plus globalement,par sa vision du monde très tourmentée.

Peut-être un peu trop cérébral pour être apprécié de tous, et 100 minutes de portrait métaphorique d'une société en perdition ce n'est pas rien à digérer, Rétribution n'en demeure pas moins fascinant, brillant, suggérant avec subtilité une certaine vision du chaos. Une œuvre très personnelle, d'où s'écoule l'essence même du cinéma de Kurosawa, cinéaste inspiré, par ailleurs lui-même très marqué par la nouvelle vague française et le cinéma de Godard...
N.T.

En bref :
titre original : Sakebi
pays d'origine : Japon
année de production : 2006
date de sortie française : 29 août 2007
durée : 100 minutes
adrénomètre : ♥♥
note globale : 4/5


Le flip : Une femme apparaît dans l'appartement de Yoshioka et se précipite sur lui.


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